On connaissait un poisson qui avait des pattes, mais on vient de confirmer que celles-ci ne lui servent pas avant tout à marcher. Ou du moins, elles ont évolué pour lui servir à quelque chose de plus utile.
Le Prionotus carolinus a trois pattes de chaque côté de son corps. Ce n’est pas une découverte: il figure dans la classification des espèces vivantes Systema naturae, dressée par le botaniste suédois Carl von Linné au 18e siècle. Et si les biologistes avaient noté que ce poisson de l’Atlantique nord, tout comme deux de ses cousins de la famille des Triglidae, se servaient à l’occasion de leurs pattes pour avancer, il était clair que certains s’en servaient avant tout pour fouiller le sol à la recherche de nourriture.
Il s’avère que ce n’est pas seulement pour fouiller, mais pour détecter: dans une recherche parue la semaine dernière dans la revue Current Biology, des biologistes décrivent des expériences menées dans un aquarium au cours desquelles le poisson a pu, grâce à ses « appendices », détecter de la nourriture qu’on avait dissimulée entre 1 et 5 cm de profondeur.
Une deuxième recherche parue simultanément et signée par certains des mêmes chercheurs, contient une analyse génétique: celle-ci tend à confirmer qu’il s’agissait bel et bien de pattes à l’origine, qui ont évolué pour développer ce nouvel usage.
Cette capacité à détecter des proies enfouies est, de plus, absente chez un proche cousin, Prionotus evolans, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’une évolution linéaire: l’une des espèces a peut-être été plus « chanceuse » que l’autre, ou bien la morphologie différente des « pattes » aurait favorisé la première plutôt que la deuxième.