Il n’y a vraisemblablement jamais eu d’effondrement démographique à l’île de Pâques. Et il y a probablement eu des contacts avec l’Amérique du Sud, longtemps avant l’arrivée des Européens. Une étude génétique vient de remettre en question deux idées d’un seul coup.
L’hypothèse d’un effondrement causé par une surexploitation des ressources de l’île était de toute façon largement remise en question : popularisée en 2006 par le best-seller Collapse, du géographe Jared Diamond, elle avait été réfutée par plusieurs archéologues. La génétique confirme à présent qu’à l’arrivée des Européens, en 1722, la population de l’île n’avait jamais dépassé les 3000 habitants et resterait à ce niveau jusqu’en 1860, lorsque des navigateurs du Pérou viendraient enlever plusieurs centaines de personnes pour les réduire en esclavage.
Si un effondrement démographique s’était produit dans les années 1500 ou 1600, cela se serait traduit par une réduction dramatique de la diversité génétique, qui serait facile à repérer aujourd’hui dans l’analyse des génomes.
Le peuplement de l’île de Pâques, de son véritable nom Rapa Nui, remonte à au moins 800 ans, soit à peu près entre les années 1100 et 1200: il s’inscrit dans le peuplement d’ouest en est des îles du Pacifique, étalé sur des milliers d’années. Rapa Nui est l’île située la plus à l’est.
Quelques navigateurs audacieux auraient-il pu franchir les 3500 km les séparant encore de l’Amérique du Sud? L’idée d’un tel contact est envisagée depuis longtemps, mais c’était plus difficile à prouver. Dans le passé, l’analyse du génome des descendants actuels des insulaires n’avait rien trouvé. Il aura fallu cette fois qu’une équipe internationale de chercheurs analyse l’ADN recueilli dans 15 squelettes entreposés au Musée national d’histoire naturelle de Paris : ils y ont trouvé des séquences génétiques qui, écrivent-ils, ne peuvent provenir que d’Amérique du Sud, ce qui suppose au moins un contact. Celui-ci est daté des années 1300.
Cette recherche de l’ADN s’inscrit quant à elle dans une demande de longue date de plusieurs populations autochtones, de rapatrier chez elles des squelettes entreposés dans des musées nord-américains ou européens. Les autorités de Rapa Nui avaient fait cette demande au Musée d’histoire naturelle de Paris, mais la difficulté était de prouver que ces squelettes étaient bel et bien liés génétiquement aux résidents de l’île. La recherche, parue le 11 septembre dans la revue Nature, a permis de le prouver, et la découverte de ce lien avec une population d’Amérique du Sud est venue en même temps.