Les films dits d’horreur ne sont pas réputés pour valoriser l’intelligence de ses spectateurs (et encore moins de ses personnages) et si avec la venue des dérivés plus meta (gracieuseté de Kevin Williamson qui a popularisé le mouvement avec ses Scream), on a compris qu’il y avait moyen de s’amuser autrement que de seulement prendre part à des actes, évidemment, horrifiques, Cuckoo tire malheureusement rarement les bonnes leçons de ce qui a déjà été accompli.
Le film propose plutôt le cas typiquement prétentieux de la prémisse intrigante qui s’écrase toujours plus en avançant. Comme un oisillon qui n’était pas encore prêt pour son premier vol.
Le distributeur Neon mise beaucoup sur ses films d’horreur et avec tous les succès des dernières années de ces petits miracles à faible coût qui ont rapporté bien de l’argent, ceux de Blumhouse inclus, on peut comprendre pourquoi.
D’ailleurs, si tout le tapage médiatique autour de Longlegs semble leur donner raison de persévérer, on ne peut s’empêcher de trouver qu’ils misent sur des films à la technique régulièrement soignée, mais au scénario foncièrement déficient. C’est encore le cas avec ce Cuckoo qui, au-delà de l’impressionnante scène en vélo qu’on nous avait déjà vendu dans la bande-annonce, rend fou, mais pas nécessairement pour les raisons qu’on imagine qu’il souhaitait.
Plus près du pénible et régulièrement pathétique Immaculate sorti plus tôt cette année, Cuckoo voit également son intérêt grandir parce qu’il s’agit du premier grand rôle au cinéma pour Hunter Schafer, connu grâce à la télésérie Euphoria. Là où Sydney Sweeney a littéralement fait des pieds et des mains pour briser son image, Schafer reste néanmoins assez près de cet état d’esprit de jeune adulte désinvolte plus ou moins pris au sérieux, et que peu de choses impressionnent.
Film construit comme un casse-tête dont les révélations nous intéressent peu dès le départ (et c’est encore pire quand on nous sort des explications), on y suit cette Gretchen jouée par Schafer qui se retrouve au milieu de nulle part, en Allemagne, dans la famille reconstituée du côté de son père, suite à ce qu’on imagine être un drame dont on n’apprendra la nature que bien plus tard.
Ce qui débute comme un Get Out (en famille plutôt qu’en couple) dans les Alpes allemandes devient rapidement un Get Out en famille, plutôt qu’en couple, dans ces mêmes montagnes, alors que se matérialisent sous nos yeux les véritables raisons derrière ce qui semblait être une escapade innocente de vacances.
Entre temps, on se farcit la liste d’épicerie typique des événements soi-disant étranges (soulignés à gros traits à coups d’effets insistants et, pire, vite redondants) et d’éléments douteux qui auraient poussé n’importe qui à prendre ses jambes à son cou il y a de cela bien longtemps. Parce que malgré les paysages idylliques aux alentours, comment ne pas avoir la puce à l’oreille avec des personnages douteux qui semblent en savoir plus sur toi que toi-même, des gens qui vomissent inexplicablement, des règlements qui défient la logique et des inconnus qui semblent vous pourchasser partout?
Certes, on ne gâchera pas trop la ou les surprises, qui pensent souvent comme de coutume être plus intelligentes qu’elles ne le sont. Ce deuxième film demeure néanmoins plus accessible et garni d’une forte distribution du cinéaste allemand Tilman Singer, le tout après son Luz, plutôt inédit. Il a d’ailleurs ramené la majorité de ses collaborateurs à bord.
Misant férocement sur son titre et ses nombreuses significations, on en a autant pour le Cuckoo en tant qu’oiseau, littéralement, que pour le concept de virer dingue. Sauf qu’on tarabiscote tellement tous les éléments pour tenter maladroitement d’y construire un tout cohérent que cela en devient vite plaqué et continuellement risible.
L’ensemble continue de dégénérer suite à une succession de mauvaises décisions des personnages souvent accompagnées de dialogues qui continuent d’enlever de la crédibilité à l’ensemble. Il faut également ajouter que notre protagoniste Gretchen, qu’on essaie de vendre souvent comme une final girl est bien plus victime de tout ce qui se passe autour d’elle (souvent d’ailleurs provoqué par la bêtise même de ses décisions). Schafer montre une belle dévotion à jouer les gamines dépassées, mais elle se fait par contre souvent éclipser par la jeune Mila Lieu, qui semble en avoir beaucoup plus à jouer dans ce rôle de jeune demi-sœur qui ne prononce pas un mot.
À leurs côtés, plusieurs comédiens sous-utilisés, dont Jessica Henwick et Marton Csokas, sauf peut-être Dan Stevens qui continue de s’amuser follement en marge, continuant d’apparaître et de disparaître allègrement autant dans des petites productions que des projets de grande envergure. Doit-on rappeler qu’il était Beast, aux côtés d’Emma Watson dans la version en prises de vue réelles de Beauty and the Beast?
Et si l’on reproche de plus en plus au distributeur et maison de production A24 d’être tombé dans une spirale de recette du film indie, on ne peut que ramener à nouveau les comparaisons qui désavantagent le long-métrage qui nous intéresse.
Ainsi, difficile de ne pas penser au récent Love Lies Bleeding de Rose Glass, qui arrivait bien mieux à doser sa romance lesbienne, en plus de ce troisième acte complètement éclaté.
Car là où Cuckoo aurait dû virer vers le plus jouissif, c’est plutôt là qu’il s’écrase, ayant perdu ses spectateurs depuis longtemps, tout en allongeant l’ensemble pour essayer coûte que coûte de justifier à la fois son concept, mais aussi sa raison d’être. Tout cela en vain.
5/10
Cuckoo prend l’affiche ce vendredi 9 août en salle.