Des méthodes remontant aux débuts de l’histoire humaine, soit à l’Âge de bronze, pourraient permettre d’atteindre les objectifs climatiques de l’accord de Paris, le tout aisément et sans que cela ne coûte les yeux de la tête, affirment des chercheurs de l’Université Stanford dans une étude publiée dans PNAS Nexus.
La technologie en question implique d’installer des briques capables d’absorber de la chaleur à l’intérieur d’un contenant isotherme, où elles peuvent stocker de la chaleur produite par de l’énergie solaire ou éolienne, chaleur qui pourrait ensuite servir à alimenter des procédés industriels.
Cette chaleur serait relâchée lorsque nécessaire en faisant passer de l’air à travers l’ensemble, et ainsi permettre aux cimenteries, fonderies et papèteries de fonctionner à l’aide d’énergie renouvelable, même lorsque les sources originelles d’énergie verte ne sont pas disponibles.
Ces systèmes qui, au dire des auteurs des travaux, sont déjà en voie de commercialisation par plusieurs entreprises, à des fins de stockage de chaleur à l’échelle industrielle, sont effectivement une forme de stockage d’énergie thermique.
Les briques employées dans le cadre de cette méthode sont formées des mêmes matériaux qui servaient à fabriquer les fourneaux primitifs de nos lointains ancêtres, il y a des milliers d’années. À des fins d’optimisation du stockage de la chaleur, toutefois, les proportions des différents matériaux ont été modifiées.
De leur côté, des piles peuvent emmagasiner de l’électricité provenant de sources renouvelables et fournir de l’énergie sur demande pour produire de la chaleur. « La différence entre le stockage dans des briques et le stockage dans des piles est que les briques emmagasinent de la chaleur, plutôt que de l’électricité, et coûtent environ 10 fois moins cher », soutient le principal auteur de l’étude, le professeur Mark Z. Jacobson, spécialisé en génie civil et environnemental.
« Les matériaux sont aussi beaucoup plus simples. Ce sont largement des composantes de la poussière. »
Stockage à haute température
Bien des industries ont besoin de chaleur étouffante pour fabriquer divers objets et produits. Par exemple, les cimenteries ont besoin d’au moins 1300 degrés Celsius pour pouvoir produire cette composante essentielle de l’industrie de la construction. Pour le verre, le fer et l’acier, on parle plutôt de 1000 degrés Celsius… au minimum.
De nos jours, 17% de toutes les émissions de CO2 mondiales proviennent de la consommation de combustibles fossiles afin de produire cette chaleur nécessaire aux processus industriels, selon le Pr Jacobson et son coauteur, Daniel Sambor.
En utilisant de l’énergie renouvelable pour produire cette chaleur, il serait possible de faire disparaître ces émissions.
« En stockant de l’énergie sous la forme ressemblant le plus à celle qui sera utilisée en fin de compte, vous réduisez l’inefficacité de la conversion énergétique », soutient M. Sambor.
« On dit souvent, dans notre domaine, que si vous voulez une douche chaude, vous devez stocker de l’eau chaude, et si vous voulez une boisson froide, il faut accumuler de la glace. Alors cette étude peut être résumée par le fait que si vous voulez de la chaleur à des fins industrielles, stockez-là dans des briques. »
Économies substantielles
Les chercheurs ont voulu connaître l’impact de l’utilisation des briquers pour stocker la grande partie de la chaleur industrielle dans 149 pays, dans un contexte hypothétique où chacune de ces nations avait transitionné vers des sources entièrement renouvelables pour leur énergie.
Ces 149 pays sont présentement responsables de 99,75% de toutes les émissions polluantes de la planète.
« Notre étude est la première à évoquer une transition à grande échelle en intégrant les briques comme l’une des solutions », a déclaré le Pr Jacobson. « Nous avons constaté que ces briques permettent d’effectuer une transition vers les énergies vertes plus rapidement, et à moindre coût, et que cela aide tout le monde en matière de santé, de climat, d’emplois et de sécurité énergétique. »
L’équipe de recherche s’est ainsi basée sur des modèles informatiques pour comparer les coûts, les besoins en termes d’espace, les impacts sur la santé, ainsi que les émissions liées deux deux scénarios pour un avenir hypothétique où, en 2050, 149 pays n’utilisent que de l’énergie verte.
Dans l’un de ces scénarios, des briques fournissent 90% de la chaleur utilisée à des fins industrielles. Dans l’autre, on n’utilise aucune brique, ni aucune autre forme de stockage d’énergie thermique dans le cadre des processus de fabrication en usine.
Dans ce dernier scénario, les chercheurs ont plutôt tablé sur le recours à des fournaises, des chaudières et des pompes thermiques, avec une utilisation des batteries pour stocker l’énergie nécessaire pour alimenter toutes ces technologies.
En utilisant des briques, les scientifiques évaluent à 1270 milliards de dollars le montant économisé, en plus de réduire la demande en énergie et la nécessité d’avoir recours à des batteries pour emmagasiner de l’électricité.
Énergie et air propres
Ces solutions visant à accélérer la transition vers l’énergie verte ont aussi des avantages en termes de santé publique, rappellent les chercheurs.
De précédentes études ont démontré que la pollution de l’air provoqué par la consommation de combustibles fossiles provoque des millions de morts, chaque année. « Chaque petite quantité de combustibles fossiles que nous remplaçons avec de l’électricité réduit la pollution de l’air », indique le Pr Jacobson. « Et puisqu’il existe une quantité limitée d’argent pour effectuer la transition énergétique rapidement, moins le système coûte cher, plus vite nous pouvons le mettre en place. »