Enfant unique, Anna présentait une immense créativité. Elle pouvait non seulement imaginer, mais aussi rédiger des histoires très originales. Du moins le pense-t-elle, dans la pièce Jamais, Toujours, Parfois, présentée au Théâtre du Rideau vert.
Mais Anna était aussi une enfant qui inquiétait son entourage, en particulier après la disparition de son père qui la choyait et appréciait son imagination. Alors qu’elle est maintenant adulte, qu’elle vit toujours avec sa mère et que le moment est venu de changer de psychiatre, elle est convaincue que la médication qu’elle prend depuis plus de dix ans l’empêche d’aller au bout de son ambition, devenir écrivaine.
Quatre acteurs sur scène; des décors très réussis qui se métamorphosent sans arrêt… la pièce de plus de deux heures présente le cas d’Anna, dont on se demande si le destin aurait pu être différent. Car tous ceux qui l’entourent, Renée (sa mère), Vivienne (sa psychiatre spécialisée dans le traitement des enfants) et Olivier (son nouvel amant) ont leurs sentiment et opinion à son propos.
Ces gens tentent sans doute de l’aider, mais commettent des erreurs humaines et l’entrainent peut-être vers l’aggravation, plutôt que la rémission.
Comment savoir? Et que peuvent-ils d’ailleurs y faire? Tous sont emplis de bonnes intentions, mais ils ont aussi leurs besoins, leurs failles, leurs limites et ils sont souvent décontenancés par l’attitude ou les comportements d’Anna: une jeune fille brillante qui parle sans arrêt, se soucie peu des autres, entre dans de grosses colères et qui, à 7 ans, simula sa première tentative de suicide.
La pièce ne dit pas de quoi Anna souffre, ou est censée souffrir et c’est tant mieux. Quand il fallut pour sa mère remplir le formulaire supposé aider à son diagnostic, en cochant les cases Jamais, Toujours, Parfois, a-t-elle bien fait de si souvent noter « parfois »? Impossible de le savoir, on ne pourra pas refaire l’histoire. Mais peut-on encore l’aider à se remettre sur les rails d’une certaine normalité dans laquelle elle pourrait s’épanouir en tolérant – entre autres choses – les renoncements qui existent pour tout un chacun?
Interrompre la médication, cette camisole psychique qu’on devrait administrer en même temps qu’un travail de fond sur la parole, ne va-t-il pas entrainer une descente aux enfers?
Le sujet est délicat à plus d’un titre, même s’il est traité avec beaucoup d’humour dans la pièce. Chacun peut ressentir son impuissance et celle de la psychiatrie, contrairement, peut-être, à la psychanalyse. Le sujet est aussi délicat à traiter, car il s’agit de ne surtout pas trancher et de montrer que les erreurs viennent de partout, puisque personne n’est jamais sûr de rien.
Les acteurs sont très bons, en particulier Lauren Hartley dans le rôle d’Anna et Annick Bergeron dans celui de sa mère. La pièce est bien écrite, mais le sujet présente un défi difficile à surmonter.
Jamais, Toujours, Parfois
Texte: Kendall Feaver
Traduction: Maryse Warda`
Mise en scène: Brigitte Poupart
Avec: Brigitte Poupart, Lauren Hartley, Annick Bergeron, Simon Landry-Désy et Marie-Laurence Moreau
Du 13 mars au 13 avril 2024 au Théâtre du Rideau vert, à Montréal