Je sais désormais comment parvient Francis Monty, du Théâtre de la Pire Espèce, à concevoir ses œuvres : des pièces de théâtre mêlées de marionnettes, de masques et d’objets en tout genre tellement originales, décalées, désopilantes. C’est parce qu’en réalité, il est un enfant déguisé en adulte… Et il trompe bien son monde sous son apparence de « grande personne ».
Mon conte de feu… conforte encore mon hypothèse. Inspiré du journal vécu de son ami Felix Mirbt, ce conte de fée à la fois très noir et très drôle plonge les spectateurs dans les idées que peut avoir un enfant lorsqu’il se retrouve dans une situation de guerre.
Felix Mirbt est né dans l’Allemagne de 1931. Pionnier de la marionnette contemporaine, il est une des sources d’inspiration de Francis Monty. Quand il disparait en 2002, il laisse non seulement de nombreuses marionnettes mais aussi un journal personnel écrit tardivement et qui évoque les années de guerre, alors qu’il était un jeune adolescent rêveur.
Que contient exactement ce journal? Toujours est-il que Mon conte de feu – À vélo entre les bombes qui tombent, un spectacle présenté au Théâtre Aux Écuries par la compagnie du Théâtre de la Pire Espèce, s’en inspire. Le résultat est à la fois tragique et comique, absurde par les terribles événements qui s’y déroulent, mais aussi par l’humour qui s’y joue, imaginatif par sa capacité à transformer les humains en animaux plus ou moins amicaux pour mieux percer leurs personnalités.
Un peu à la manière d’Art Spiegelman dans Mauss, ce sont les loups, lapin, rat, panthère et autre éléphant, pour certains sortis du Livre de la Jungle qui occupent le terrain de cette jungle encore plus hostile, mais quand même extrêmement drôle.
Trois artistes, actrices et marionnettistes, interprètent Mon conte de feu. Leurs vêtements, leurs maquillages, leurs masques et tous les objets grands ou petits – beaucoup en carton gaufré – qu’elles manipulent sur scène, y compris des jeux d’ombres, ajoutent au récit simultanément réel et fantasmé du jeune héros, Felix.
Alors qu’il vivait heureux sous un ciel bleu en mangeant des gâteaux et en observant les fourmis, voilà que son univers n’est plus que noir et blanc et qu’il se retrouve dans une affreuse école militaire, où il est maltraité. Un lapin lui sauve la vie, un rat l’aide aussi. Et il se retrouve à Berlin à la recherche de son père, avec qui il va se sauver à vélo sous les bombes. Heureusement, il a en poche quelques objets magiques, de la gomme à mâcher, des lunettes et un trésor.
Les trouvailles sont innombrables. L’imagination de Francis Monty, pour rendre compte sur scène du journal qu’il a lu, est totalement désinhibée dans sa créativité et son humour, et cependant toujours plein de tendresse et de bienveillance. C’est un beau mélange qu’il n’est pas donné à tout le monde de le faire fonctionner.
Mon conte de feu – À vélo entre les bombes qui tombent
Texte et mise en scène : Francis Monty
Inspiré librement de récits du journal de Felix Mirbt
Distribution : Anne-Marie Levasseur, Marcelle Hudon et Marie-Ève Trudel
Une production du Théâtre de la Pire Espèce pour adultes et enfants à partir de 8 ans
Scénographie, objets et costumes : Julie Vallée-Léger
Du 14 au 23 mars 2024 au Théâtre Aux Écuries (représentations scolaires jusqu’au 26 mars)