Parmi les façons de lutter contre la désinformation, des observateurs du milieu invoquent depuis des années la « prévention » ou, en anglais, le « prebunking » (littéralement, déboulonner une fausseté avant qu’elle ne se présente). Une équipe suisse a tenté d’en mesurer l’efficacité autour de la question climatique.
Ces chercheurs de l’Université de Genève ont testé, sur près de 7000 personnes dans 12 pays, six stratégies préventives, chacune liée à une thématique récurrente dans la désinformation climatique: la notion de consensus scientifique, la confiance dans les climatologues, la transparence des communications, la « moralisation de l’action climatique », les « émotions positives envers l’action climatique », et la « précision ». Six des huit groupes ont été soumis à l’une ou l’autre de ces interventions, un à de la désinformation sans prévention, et le dernier a été le groupe contrôle.
Les résultats, parus le 30 novembre dans Nature Human Behaviour, sont mitigés: sur un des thèmes, le fait d’avoir été exposé préalablement à de l’information fiable a eu un impact mesurable sur les croyances ou les comportements des individus —concrètement, un « effet protecteur » sur les 20 affirmations erronées qui leur étaient ensuite présentées. Mais cet effet a été de courte durée. « Nous avons constaté que l’effet protecteur de nos stratégies est faible et qu’il disparaît dès la seconde exposition à la désinformation », déclare, dans le communiqué, le professeur à la Faculté de psychologie de l’Université de Genève, Tobias Brosch.
L’idée de neutraliser la désinformation par des stratégies préventives — soit de « vacciner » contre la désinformation, pour reprendre l’expression de certains chercheurs — a fait l’objet de plusieurs études dans la dernière décennie. Les résultats sont parfois encourageants: dans une revue de la littérature parue en 2022, trois chercheurs britanniques en psychologie écrivaient qu’il est bel et bien « possible “d’immuniser” de manière préventive des gens contre la désinformation en les pré-exposant à des doses sévèrement affaiblies » de l’information trompeuse, le tout accompagné d’astuces sur les façons de détecter la tromperie.
La grande question derrière la plupart de ces études est à quel point cet effet positif se maintient à long terme, si la personne n’est pas à nouveau exposée à des informations fiables.
C’est également l’obstacle auquel se sont heurtés les chercheurs suisses: « la désinformation est extrêmement persuasive, davantage que l’information scientifique ».
D’un autre côté, ces recherches ont souvent les mêmes limites: elles ont rarement eu le loisir d’effectuer un suivi de leurs participants à long terme, et elles testent rarement une combinaison de techniques (le « prebunking » et la correction d’une information fausse après sa publication, par exemple). Reste qu’avec la quantité de désinformation qui déferle chaque jour sur les réseaux sociaux, les futurs chercheurs auront l’embarras du choix pour leurs futurs travaux…