Dans une France qui a besoin de symboles forts, surtout face au nombreux périls qui la guettent, Louis XIV, le Roi-Soleil, brillera plus fort qu’aucun souverain avant lui. Mais dans Le roi danse, son amour pour les belles choses, la pureté et la perfection se heurteront aux considérations toutes politiques de la vie de chef d’État.
Jouée sur les planches du Théâtre Denise-Pelletier, cette pièce, adaptée par Emmanuelle Jimenez et mise en scène par Michel-Maxime Legault, place ainsi en opposition le pouvoir régalien et celui, plus abstrait – certainement plus éthéré, sans doute – de la beauté.
L’oeuvre pose ainsi la question de l’objectif à atteindre, pour un souverain de cette époque: puisque nous avons été choisi par Dieu lui-même pour régner sur un peuple, faut-il s’astreindre à des tâches uniquement terrestres, à savoir l’exercice du pouvoir? Y a-t-il autre chose, quelque chose de plus vrai, de plus profond, de plus près du divin? Pour Louis XIV, ce sera la danse, en compagnie de Jean-Baptiste Lully, un immigrant italien qui gravira rapidement les marches du pouvoir, alors même que sa propre mère, Anne d’Autriche, entourée des membres de la frange conservatrice de la société française, déplorent vertement ce temps consacré aux arts.
L’arrivée de Molière, dramaturge alors en vogue, viendra compliquer la donne. Entre le roi, Lully et l’homme de théâtre se dessinera une rivalité teintée d’un amour interdit, le tout sur fond de passion artistique. Et cette relation, vouée à l’échec dès le départ, s’effritera peu à peu, à mesure que les mouvements conservateurs gagneront du terrain en France et que la jalousie entre les deux génies artistiques finira par consumer ce qui reste de leur amitié.
Très ambitieuse, l’oeuvre théâtrale met de l’avant, d’un côté, cette opposition parfois farouche entre la politique et la culture, entre la vie de pouvoir et la vie elle-même, et, de l’autre, une réflexion sur la part de divinité, forcément accordée à travers, à ces rois et reines qui agissent en fonction de cette présumée volonté supérieure.
Le hic, c’est que l’oeuvre se cherche, en quelque sorte. Après l’équivalent d’une première partie portant sur le roi lui-même, voilà que celui-ci s’efface en partie pour mettre de l’avant la relation tumultueuse entre Lully et Molière, laissant de côté, du moins partiellement, cette réflexion sur le pouvoir.
L’autre accroc, c’est qu’une partie de la pièce s’articule autour d’un long et pénible cabotinage. Le public finit donc par avoir un excellent jeu de Marie-Thérèse Fortin, par exemple, qui joue une Anne d’Autriche hors pair, le tout suivi de Molière qui se la joue niveau blagues de pets.
Dans ce mélange souvent indigeste, on désespère de retrouver un « sérieux » convenable. Et le pire, c’est que ces séquences absurdes sont tout sauf majoritaires, mais ils sont suffisamment nombreux et désagréables pour qu’ils viennent gâcher le plaisir de tous ces moments où les dialogues et le jeu sont excellents.
Le roi danse aurait gagné à être plus court, en éliminant ces passages ô combien superflus, voire gênants, pour laisser toute la place à sa réflexion fort intéressante sur la relation entre l’extraordinaire et le mondain, entre les aspirations et la réalité.
Le roi danse, texte et adapation d’Emmanuelle Jimenez, mise en scène de Michel-Maxim Legault, avec Marie-Thérèse Fortin, Sharon Ibgui, Simon Landry-Désy, Jean-François Nadeau, Michel Pomerleau et Mattis Savard-Verhoeven
Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 9 décembre