Le système d’immigration do Royaume-Uni utilise une combinaison d’émotions fortes et d’absence d’émotions pour dépeindre les migrants comme étant à la fois « menaçants, pollueurs et sans importance », ce qui crée un groupe de personnes qui sont ultimement faciles à déporter et qu’on peut « jeter », indique une nouvelle étude.
À travers les systèmes d’immigration, d’asile et de détention, quatre émotions se détachent du reste: la colère, le dégoût, la suspicion et la peur, ce qui crée un environnement où les émotions et les vies des migrants font face à du désintérêt et de l’incrédulité; leurs expressions d’émotions sont ignorées ou punies, et où les décideurs et les membres du personnel du système d’immigration agissent en se détachant émotionnellement de leur sujet.
Dans une étude publiée dans le magazine spécialisé Identities, la Dre Melanie Griffiths, de l’Université de Birmingham, s’appuie sur 15 ans de recherche à travers les systèmes d’immigration et d’asile du Royaume-Uni pour explorer la façon dont les émotions ont un impact sur les migrants et les responsables.
Selon la Dre Griffiths, « bien que les systèmes d’immigration sont présentés comme étant rationnels et neutres, ces quatre émotions – colère, dégoût, suspicion et peur – ne sont jamais bien loin, ce qui crée un système qui est à la fois terriblement émotionnel et, étrangement, sans émotion ».
« Le système regorge de diverses intensités de colère. Des juges en matière d’immigration « enflammés » qui perdent leur calme, au personnel gouvernemental qui est bête, l’antagonisme, l’hostilité et l’agression sont largement répandus », a ajouté la chercheuse.
« De la même façon, le système d’immigration est saturé par l’anxiété. Les juges en matière d’immigration craignent les attaques des tabloïds. Le personnel politique s’inquiète des répercussions s’ils ratent les objectifs, et les ministres souffrent d’une peur panique d’être jugés comme étant « trop mous » en matière d’immigration. »
La Dre Griffiths utilise le concept de « gouvernance émotionnelle », ou le gouvernement des émotions de soi et des autres, pour explorer la façon dont les émotions, au sein du système d’immigration, sont contrôlées, gérées, manipulées, exigées et refusées.
Priver les migrants de leurs droits
Malgré une façade de rationalité légale, les bureaucraties gérant les migrations emploient la gouvernance émotionnelle pour priver les migrants de leurs droits, juge-t-on – en alimentant une catégorisation et une domination raciales, en plus de créer des gens jugés comme étant simultanément menaçants, polluants et sans importance.
La spécialiste a constaté que les quatre émotions principales sont si importantes, au sein du système d’immigration britannique qu’elles devraient non seulement être considérées comme une caractéristique dudit système, mais aussi comme contribuant activement à produire le système actuellement en vigueur dans le pays.
En plus de ces émotions intenses, les responsables de l’immigration agissent avec une froideur et un désintérêt effrayant, juge la Dre Griffiths, en interdisant ou en ignorant les démonstrations d’émotions de la part des migrants, en plus de remettre en question ou de rejeter leurs propres émotions et celles des nouveaux arrivants.
« La froideur et le désintérêt sont largement répandus – des responsables devant juger des demandes de visa pour un ou une conjointe, par exemple, remettent en question la véracité et la force de la relation amoureuse, alors que ceux qui évaluent les demandes de statut de réfugié s’interrogent sur les peurs et l’honnêteté des demandeurs », a encore commenté la spécialiste.
« Les sentiments de dégoût, ou de révulsion, sont aussi évidents chez ceux qui gèrent les politiques frontalières. Les systèmes d’asile basés sur le sexe peuvent être particulièrement sujets à de l’aversion, de la honte et de l’humiliation. Également, le fait d’héberger les nouveaux demandeurs d’asile dans des barges isolées et des baraquements reflète des sentiments sous-jacents de contagion et de répugnance envers des gens jugés comme étant offensants ou infectieux. »