Des aires protégées contribuent-elles à lutter contre le déclin de la biodiversité? Il semble qu’elles ralentissent ce déclin —, mais elles n’inversent pas le processus.
Le déclin serait, en moyenne, de quatre à cinq fois moins rapide chez les espèces de vertébrés qui vivent dans une aire protégée, par rapport aux mêmes espèces vivant dans des habitats qui ne sont pas officiellement protégés contre l’urbanisation ou l’expansion des terres agricoles.
Mais cela signifie que le déclin des populations se poursuit tout de même: chez les vertébrés vivant dans de telles zones protégées, il est de 0,4 % par an, contre 1,8 % pour les autres.
L’équipe américaine qui a publié ces résultats le 27 septembre dans la revue Nature, a étudié l’évolution de 1000 espèces de vertébrés réparties dans 2239 populations sur les cinq continents. Ses conclusions sont que les amphibiens et les oiseaux en bénéficient davantage que les mammifères et, surtout, les reptiles: ces derniers se révèlent particulièrement vulnérables aux changements climatiques et ce, qu’ils vivent ou non dans des zones protégées.
Coïncidence, c’est exactement la conclusion à laquelle en était arrivée une étude finlandaise parue deux semaines plus tôt dans Nature Communications: les aires protégées, dans l’état actuel des choses, n’interrompent pas le déclin de la biodiversité, mais contribuent à le ralentir, lit-on. Ces chercheurs constataient eux aussi que l’effet varie d’une espèce à l’autre, et concluaient que les oiseaux sont ceux qui bénéficient le plus de la protection: une espèce sur cinq voit son déclin ralentir ou se stabiliser, contre un mammifère sur huit. Sans surprise, une zone protégée plus large a un plus grand impact, de même qu’une politique de conservation mise en place depuis plus longtemps.
L’étude finlandaise, plus modeste, a examiné 638 espèces, dont 426 de phytoplanctons et 150 d’oiseaux.
Plus difficile à mesurer est l’impact des politiques d’un pays : l’étude américaine suggère en effet que ce n’est pas seulement le fait de vivre à l’intérieur d’une zone protégée qui contribue à stabiliser une population animale, mais la « bonne gouvernance » du pays — qu’il s’agisse de l’absence de corruption ou des sommes investies dans la lutte contre le braconnage ou l’expansion illégale des terres agricoles.
Le bémol de la gestion politique ressortait également d’une étude qui, en 2022, avait conclu à un impact mitigé des aires protégées sur les populations d’oiseaux de mer.
Si les deux nouvelles études soulignent que le déclin de la biodiversité ne s’interrompt pas, du moins pas pour la majorité des espèces étudiées, elles s’entendent toutefois pour dire que les aires protégées offrent un délai supplémentaire pour agir contre les causes profondes de la perte de biodiversité. « Le réseau actuel d’aires protégées, écrivent les chercheurs de l’Université d’Helsinki, contribue à un ralentissement du déclin, mais à lui seul, il ne suffira pas à mettre fin à la crise de biodiversité. »
Les zones protégées représentent à l’heure actuelle 17 % des terres émergées de la planète (et 8 % des océans). Dans l’entente intervenue à Montréal en décembre dernier, au terme de la rencontre des Nations unies sur la biodiversité, les pays signataires se sont engagés à passer à 30 % en 2030.