Viol. Le mot glace le sang. Il décrit pourtant une réalité malheureusement encore répandue, y compris chez ceux qui jugent pourtant que leur comportement est exemplaire. L’autrice de théâtre Rébecca Déraspe, qui a déjà plusieurs pièces à son actif, a ainsi pondu Les glaces, une oeuvre qui s’attarde à ce mot que l’on ne veut pas prononcer, et dont le texte a été publié ce printemps aux Éditions de ta mère.
Viol, donc. Celui de Noémie par Vincent et Sébastien, sur le bord de la plage, quand le trio avait 16 ans. Mais aussi celui de Jeanne par Théo, le fils de Noémie. Un fils qu’elle pensait pourtant avoir bien élevé, mais qui s’est avéré capable, lui aussi, d’un crime ignoble. Et devant ce drame, la voilà qui reprend contact avec ses propres agresseurs, chambardant au passage – et avec raison – leur existence.
Que veut-elle, exactement? Elle-même n’en est pas certaine. Mais ces messages texte envoyés 25 ans après son viol vont tout changer. Cet agresseur que l’on suit, Vincent, est aussi un jeune père de famille, désormais jeté à la porte de son domicile par la mère de son enfant, qui est horrifiée. Rentré à la maison familiale, très loin de Montréal, voilà qu’il découvre sa soeur engluée dans une relation familiale dysfonctionnelle, avec un conjoint dépressif qui a peur de faire mal à ses enfants. Son père? Depuis la mort de sa femme, il est désemparé, ne sait plus quoi faire de ses journées, n’a même plus envie de se faire couper les cheveux.
Vincent est-il un violeur? De ça, oui, il finit par en être convaincu. Mais peut-on pardonner? Peut-on aussi se pardonner à soi-même?
Les glaces, avec un style télégraphique qui se lit comme un échange sur les planches, bien entendu, mais aussi comme des neurones qui échangent des informations, comme un vif débat intérieur, propose un avertissement en quatrième de couverture: « Veuillez noter que ce livre n’offre malheureusement pas de Solution Miracle aux questions complexes en lien avec la thématique abordée. »
Et la chose est vraie: amour, violence, agression sexuelle, viol, deuil, relations familiales, image de soi, colère, pardon, reconstruction, tout y passe, mais on ne referme pas cet ouvrage en ayant l’impression d’avoir trouvé une porte de sortie. Amplement de matière à réflexion, oui, mais pas de solution idéale.
Oeuvre coup-de-poing, Les glaces est une lecture poignante, puissamment nécessaire dans ce monde bariolé dans lequel nous vivons.
Les glaces, de Rébecca Déraspe, publié aux Éditions de ta mère, 238 pages