Le constat ne surprendra personne : les dépenses militaires globales ont largement progressé, l’an dernier, alors que la Russie a envahi l’Ukraine, précipitant notamment Kiev, mais aussi les pays de l’OTAN, à faire tourner les usines d’armements à plein régime. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), ces dépenses militaires ont augmenté de 3,7 %, l’an dernier, pour atteindre 2240 milliards de dollars, du jamais vu.
Les trois États les plus dépensiers sur le plan militaire, soit les États-Unis, la Russie et la Chine, ont représenté pas moins de 56 % de l’ensemble des achats d’armements et autres engins de guerre.
Comme l’indique un rapport rendu public le weekend dernier, les dépenses militaires en Europe ont ainsi connu leur plus forte augmentation annuelle des 30 dernières années, soit depuis la fin de la guerre froide. Il s’agit d’une croissance de 13 % en un an.
Et ce ne sont pas seulement les États du Vieux Continent qui ont délié les cordons de la bourse; devant une telle panique, plusieurs autres pays ont décidé de jouer de prudence et ont eux aussi multiplié les achats, histoire de ne pas être pris au dépourvu face au militarisme et à l’impérialisme expansionniste russe.
Un phénomène similaire s’est aussi produit en Asie de l’Est, en raison des tensions générées par la Chine, mais aussi, dans une moindre proportion, par la Corée du Nord.
« La hausse continue des dépenses militaires mondiales, au cours des dernières années, est un signe que nous vivons dans un monde de moins en moins sécuritaire », affirme le Dr Nan Tian, chercheur principal, au sein du SIPRI, pour le programme des dépenses militaires et de production d’armements.
« Les États renforcent leur force militaire en réponse à la détérioration de l’environnement sécuritaire, une situation pour laquelle ils n’envisagent pas d’amélioration au cours des prochaines années. »
Une guerre qui coûte cher
Le conflit en Ukraine a provoqué un torrent de dépenses militaires : toujours en Europe, des pays frontaliers de la Russie se sont empressés de commander fusils, obus, missiles et autres tanks. En Finlande (+36 %), en Lituanie (+27 %) et en Pologne (+11 %), déjà envahis ou occupés par l’Union soviétique, on a dépensé sans compter. Idem pour la Suède, pas un pays frontalier, mais un État qui est sur le point de rejoindre l’OTAN, comme l’a déjà fait la Finlande. À Stockholm, on a ainsi consacré 12 % plus d’argent à l’armement en 2022, par rapport à l’année précédente.
En Russie elle-même, ce sont plus de 86 milliards de dollars américains qui ont été consacrés à la défense, l’an dernier, selon le SIPRI, ce qui représente une hausse de 9,2 %. Au total, l’équivalent de 4,1 % du PIB national est payé pour l’armée, comparativement à 3,7 % en 2021.
Plus inquiétant encore, des données publiées par Moscou, à la fin de 2022, indiquent que les dépenses pour la défense nationale, soit le poste budgétaire le plus important pour ce qui est des questions militaires, en Russie, étaient déjà 34 % plus élevées que ce qui avait été prévu en 2021.
« La différence entre les plans budgétaires russes et ses véritables dépenses militaires, en 2022, porte à croire que l’invasion de l’Ukraine a coûté beaucoup plus cher que prévu », estime la Dre Lucie Béraud-Sudreau, elle aussi collaboratrice du SIPRI.
De son côté, l’Ukraine a consacré 44 milliards à l’armement en 2022, soit une hausse titanesque de 640 %, et la plus forte augmentation annuelle jamais recensée par le SIPRI. Le poids de la défense sur le PIB, lui, a été multiplié par 10, passant de 3,2 %, en 2021, à 34 % l’an dernier.