Une hausse du niveau de la mer au Groenland aurait pu être le facteur décisif au départ des Vikings, dans les années 1300 et 1400.
Pas le seul facteur, nuancent les auteurs d’une recherche parue le 17 avril. Mais ce fut un facteur certainement important, considérant la quantité de territoire grignotée: l’avance de la calotte glaciaire du sud de cette grande île se serait en effet traduite par une hausse locale du niveau de la mer de 3 mètres en 5 siècles, ce qui signifie pas moins de 200 kilomètres carrés de terres perdues. Les Vikings étaient nécessairement établis au bord de la mer: on peut dès lors imaginer que cela a entraîné de grosses perturbations à leur mode de vie, puisque celui-ci dépendait en partie de l’élevage d’animaux européens.
En comparaison, les Inuits dépendaient de la pêche et de la chasse à la baleine, ce qui pourrait être une raison pour laquelle ces mêmes perturbations dans l’environnement ne les ont pas affectés.
On sait depuis longtemps que lorsqu’Erik le Rouge, venu d’Islande, s’est installé avec ses compagnons au Groenland, en l’an 985, le climat de l’Atlantique nord y était plus chaud que la moyenne des siècles précédents et de ceux qui suivraient — c’est ce qu’on a appelé l’optimum climatique médiéval ou réchauffement climatique de l’an 1000. Les recherches des dernières décennies sur les carottes de glace et les sédiments de l’époque convergent vers un réchauffement qui touchait essentiellement l’Europe et une partie de l’Amérique du Nord, et non l’hémisphère nord entier, encore moins la planète entière.
On attribue souvent à la fin de cet « optimum » le départ des Vikings, bien que les causes immédiates de ce départ restent obscures: différents chercheurs ont évoqué au fil du temps une raréfaction des ressources alimentaires, une sécheresse, la déforestation, la diminution de la taille de la colonie, des conflits avec Inuits… Chose certaine, à un moment indéterminé, situé entre 1400 et 1450, la colonie groenlandaise est abandonnée.
Ce qu’apporte la nouvelle recherche, dirigée par une équipe de l’Université Harvard, c’est un élément que ces chercheurs qualifient eux-mêmes de « contre-intuitif »: lorsqu’on parle de hausse du niveau de la mer, en général, on évoque une fonte des glaces. Or, ici, c’est d’une avancée de la calotte glaciaire, dû au refroidissement, dont il est question. Le lien avec le niveau des eaux? En avançant vers le sud au fil des siècles, la calotte glaciaire a fait légèrement s’enfoncer sous son poids une partie des terres environnantes, faisant du coup pénétrer l’eau de l’Atlantique plus loin à l’ intérieur du territoire.
Les experts savaient déjà que le niveau de la mer avait monté pendant la période viking, mais l’équipe dirigée par la doctorante en sciences de la Terre Marisa Borreggine serait la première à l’avoir calculé avec précision. Qui plus est, les recherches récentes ont déterminé que l’alimentation de ces Vikings était passée au fil du temps d’un régime alimentaire basé sur des ressources terrestres à un basé sur des ressources marines : l’inondation des terres expliquant peut-être cela.