Dans la mythologie grecque, Ixion termina son existence en étant condamné à un châtiment éternel par Zeus, qui ordonna qu’on l’attache à une roue enflammée. Et dans le domaine vidéoludique, IXION est un jeu de gestion de station spatiale dont le niveau de difficulté évoque, fort malheureusement, cette torture incessante infligée à ce personnage de la Grèce antique.
Développé par le studio français Bulwark et publié par Kasedo Games, une entreprise britannique, Ixion semble avoir tout ce qu’il faut pour plaire aux amateurs de science-fiction et de gestion : une station spatiale envoyée dans une mission loin parmi les étoiles, des contraintes de ressources et d’espace qui forcent à se creuser la tête, de temps en temps, et la pression supplémentaire découlant du fait que l’équipage de ladite station semble bel et bel être les derniers représentants de l’humanité.
Car à la suite d’un test de moteur hyperspatial, la station spatiale Tiqqun (qui se prononce tycoon – gestionnaire) entraîne la destruction de la Lune, ce qui provoquera, ultimement, la mort de la Terre.
C’est dans ce contexte assez terrifiant que les capacités de gestion du joueur seront mises à rude épreuve. D’abord, parce qu’il faudra s’assurer, comme dans tout bon jeu de gestion qui se respecte, que la station fournit suffisamment d’énergie et de nourriture pour s’assurer que les habitants puissent accomplir leurs tâches (et rester en vie).
Mais ce n’est pas tout : il faut aussi nourrir tous ces gens, ce qui suppose la production et le stockage des ressources nécessaires, ce qui implique des usines, des voies de transport, une gestion des inventaires… Encore une fois, les habitués du genre se retrouveront suffisamment en terrain connu pour que la prise en main s’effectue relativement bien. Avec des visuels fort agréables, on pourrait se dire que l’on arrivera, sans trop de mal, à gérer ce qui se passe dans les différents secteurs de l’intérieur de la station, mais aussi à l’extérieur, où l’on devra notamment installer les panneaux solaires essentiels à l’alimentation en électricité.
Il ne faudra pas non plus oublier les enjeux liés au système solaire dans lequel on se trouve : il sera nécessaire de construire des sondes, de découvrir des sites riches en ressources pouvant ensuite être transformées en produits finis, et d’explorer les stations et les planètes qui pourraient contenir des indices à propos d’un éventuel espoir de survie de l’humanité.
Tout cela, encore une fois, est gérable; on pourrait même être en mesure de gérer quelques problèmes de plus, comme des dysfonctionnements à bord de la station, des problèmes sociaux, ou d’autres enjeux nécessitant une attention particulière.
Quand ça va mal…
Cependant, les développeurs d’IXION semble avoir choisi d’exacerber le côté « survie » de la chose, plutôt que l’aspect gestion du titre. Et très rapidement, non seulement les situations urgentes vont se multiplier, mais le jeu nous proposera activement des options qui, sans qu’on ne nous l’indique au préalable, entraîneront une détérioration radicale des conditions de jeu, voire précipiteront l’effondrement de notre microsociété.
Le principal écueil, dans Ixion, s’articule entre autres autour de la durabilité de la coque. On peut comprendre qu’en raison de l’utilisation de la station spatiale, et, qui plus est, de son déplacement dans l’espace, cette coque soit mise à rude épreuve, et qu’il soit donc nécessaire de la réparer.
Ce qu’on s’explique moins, c’est que chaque utilisation du moteur hyperspatial, nécessaire pour faire progresser l’intrigue, entraînera non seulement une baisse des « points de vie » de la station de 28 points par jour, baisse qui sera cumulative, mais fera aussi en sorte qu’une partie des dégâts seront impossibles à réparer.
À cela, il faut ajouter d’autres points retranchés à mesure que les humains s’installent dans des parties supplémentaires de la station. Et des dégâts supplémentaires lors de chaque accident qui survient dans un bâtiment construit à l’intérieur. Et encore, et encore, et encore… Au-delà des deux premiers chapitres de l’histoire, la situation est déjà particulièrement précaire, et les développeurs semblent obstinément refuser de donner un peu de temps pour reprendre son souffle.
De fait, si l’on construit les bâtiments dans le mauvais ordre, si l’on accepte par exemple de s’installer trop rapidement dans un nouveau secteur – alors que le jeu le propose ouvertement, sans en indiquer les conséquences –, on signe son arrêt de mort. Mais ladite mort ne sera pas soudaine. Non, le martyre se poursuivra pendant encore de longues minutes, alors que l’on tentera de trouver des solutions pour éviter l’inévitable. Ou jusqu’à ce que l’on décide d’aller faire autre chose, tout simplement.
Ixion avait pourtant beaucoup de choses pour lui, y compris un système économique bien équilibré. Mais la propension des scénaristes à faire vivre le récit d’un carambolage au ralenti gâche tout le plaisir que l’on avait à développer tranquillement sa colonie spatiale. On peut comprendre que l’espace est un endroit inhospitalier, mais il y a tout de même des limites à se faire souffrir pour « jouer ».
À moins que l’équipe de développement ne remette les mains à la pâte pour abaisser suffisamment le niveau de difficulté, histoire de rendre le tout jouable au-delà des premières heures, il faudra se rendre à l’évidence : Ixion avait le nécessaire pour réussir, mais la forme a torpillé le fond.
IXION
Développeur : Bulwark Studios
Éditeur : Kasedo Games
Plateforme : Windows (testé sur Steam)
Jeu disponible en français (interface et sous-titres)