De la longue liste de cinéastes touche-à-tout bien établis, l’australien George Miller est certainement l’un des plus imprévisibles, ce que son époustouflant et aussi déroutant que magnifique Three Thousand Years of Longing confirme aisément.
Accueilli avec modération pour ne pas dire déception lors de sa présentation à Cannes, disons que la nouvelle proposition de l’homme derrière tous les Mad Max, incluant son brillant Fury Road, est encore une fois loin d’être adressée à tous. Néanmoins, aussi gros peut-il sembler, disons que cet effort régulièrement impressionnant est également encore un témoignage évident des thématiques et intérêts chers au cœur de Miller.
Ainsi, si certains préfèrent surtout miser sur les mémorables séquences d’action qu’il a su offrir par le passé comme association à l’homme, voilà un cinéaste qui a toujours eu à cœur l’humanité de ses personnages, tout en ne négligeant jamais l’importance de la fantaisie et des cœurs d’enfant. C’est peut-être moins évident dans certains de ses long-métrages, mais il ne faut jamais oublier qu’on lui doit également la suite de Babe, tout comme les deux films d’animation Happy Feet.
Ici, pas d’animaux parlants et, s’il peut sembler difficile de décrire ou aborder la proposition (comme semblent en faire foi les campagnes promotionnelles), c’est au contraire un film très simple. Oui, il va dans toutes les directions imaginables et le savoir-faire, tout comme l’imaginaire éclaté du cinéaste, font un usage gagnant du livre The Djinn in the Nightingale’s Eye de A. S. Byatt, mais on ne perd jamais le focus des deux protagonistes du récit, incarné avec dévouement par les brillants Tilda Swinton et Idris Elba, respectivement une intellectuelle solitaire et un djinn nouvellement libéré prêt à réaliser trois vœux en signe de reconnaissance.
Voilà une prémisse qui ne brille pas par son originalité, l’histoire du génie dans la bouteille étant vieille comme le monde. Pourtant, l’approche a ici sa raison d’être, puisqu’en plus de s’intéresser à des réflexions méta sur le sujet (le personnage d’Alithea est expert en narratologie), on en profite pour miser gros sur le pouvoir de raconter, mais aussi de celui du cinéma qui émerge avec flamboyance dans la majorité des plans mis en images par un John Seale particulièrement inspiré, sorti encore une fois spécialement de sa retraite pour renouer avec le réalisateur qui lui a permis d’obtenir sa cinquième nomination aux Oscars. Il y a aussi le lien indissociable qui se tissera peu à peu entre les deux personnages, au fur et à mesure qu’ils apprendront à se connaître autour de longues discussions.
Film riche en prouesses, certains se sentiront envahis et étourdis par l’omniprésence des effets spéciaux mené tambour battant à coups de fortes transitions, mais ceux qui s’y abandonneront, auront droit à tout un festin visuel qui en met décidément plein les yeux.
À l’instar des premières répliques, le film demande certainement un effort des spectateurs, comme c’est généralement le cas avec tout ce qui a trait à la fantaisie. On ne peut pas s’attendre à ce que tous tombe sous le charme de cette réflexion par moment existentialiste sur la force positive ou négative des souhaits (surtout ceux qui se réalisent), mais il semble pourtant si simple de craquer pour le cœur qui bat sans cesse derrière toute la production.
Conçu avec un amour évident du medium, de l’art en général et de tout ce qu’il semble toucher, le nouveau film de Miller confirme que les Australiens ont une visions grandiloquente du cinéma qui sait mettre côte à côte la notion de spectacle et le regard humain, comme vient d’en refaire foi Baz Luhrmann et son unique Elvis.
Certes, face à la durée modeste de moins de deux heures d’un film qui veut pourtant couvrir plus de 3000 ans d’histoire (plus ou moins), on pourra sentir que la deuxième moitié sera plus précipitée et peut-être un brin moins convaincante que sa première. La voie qu’on décide d’emprunter paraît un peu trop simple à première vue, ce qui n’empêchera pas le film d’hanter bien longtemps après l’écoute et de prouver que c’est en fait la seule option possible, à l’image du très beau titre français : trois milles ans à t’attendre.
On répète donc que Three Thousand years of Longing ne plaira décidément pas à tous, la naïveté et la beauté étant mis au-devant du reste, mais à ceux qui voudront s’abandonner dans son univers de charmes et de talent, ils auront droit à toute une merveille.
7/10
Three Thousand Years of Longing prend l’affiche en salle ce vendredi 26 août. Plusieurs représentations ont lieu ce jeudi.