De nouveaux travaux de recherche viennent décrire des systèmes alimentaires conçus non pas selon la logique de la croissance, notamment en termes d’efficacité et d’extraction des ressources, mais selon des principes d’autosuffisance, de régénération, de distribution, de mise en commun des ressources et de conservation.
Les auteurs des travaux, qui sont rattachés à l’Université de Twente, aux Pays-Bas, mentionnent que pour « écrire cet article scientifique, nous avons évalué les vastes expériences de divers agriculteurs, coopératives agricoles, jardiniers du dimanche, détaillants « alternatifs » et d’autres individus pour retrouver ce que la durabilité veut dire pour les systèmes alimentaires dans les pays développés et en développement ».
Paradigme de la croissance
Les chercheurs appellent ainsi les décideurs politiques, les chercheurs et les groupes communautaires de partout sur la planète à revoir leur approche pour développer de nouvelles solutions allant au-delà du cadre actuel, soit celui du « paradigme de la croissance ».
« Nous avons vu ce que des systèmes alimentaires conçus pour engendrer une croissance économique constante et maximiser les profits font à l’environnement, aux communautés agricoles et à notre santé, et ce n’est pas une bonne chose », mentionne le Dr Steven McGreevy, un professeur adjoint à l’Université de Twente.
Le système actuel exploite les humains et les animaux, agit comme un rapace au sein des réseaux écologiques, dépend des combustibles fossiles et est contrôlé par un petit nombre de corporations des semences jusqu’à l’assiette. Pire encore, ce système produit d’énormes quantités des mauvais aliments, le tout avec des coûts sociaux, environnementaux et économiques démesurés. Au moment où d’autres crises alimentaires se profilent à l’horizon, indiquent les chercheurs, mettre au point des stratégies pour modifier et maintenir le système alimentaire actuel basé sur la croissance est plus que douteux.
Un système post-croissance
« Heureusement, il existe de très nombreux exemples, partout dans le monde, d’éléments d’un système agricole et alimentaire post-croissance qui fonctionnent. Nous devons soutenir ces modèles où ils se trouvent, et les redécouvrir, les transférer et les développer davantage où cela s’avère approprié », avance le Dr McGreevy.
Les auteurs des travaux ont ainsi déjà identifié des aspects de ce système post-croissance déjà actifs un peu partout à la surface du globe.
Dans le cadre de leur étude, ils proposent de fait l’adoption de méthodes agroécologiques, histoire d’améliorer la biodiversité, de maintenir la fertilité des sols et d’améliorer la résilience des systèmes face aux chocs sociaux et environnementaux.
Les scientifiques suggèrent aussi de s’appuyer sur des modèles d’affaires communautaires, comme les coopératives, ainsi que les entreprises qui ne cherchent pas le profit à tout prix, pour enchâsser les notions de durabilité, et prioriser la santé et le bien-être de l’environnement et du public.
Pour améliorer notre vision de la nourriture, on avance l’idée de se « rapprocher » de la nourriture et des procédés de production et de transport, afin de développer une culture d’appréciation des systèmes alimentaires et des gens qui y travaillent.
Enfin, les chercheurs évoquent la mise en commun des très nombreux systèmes de gouvernance liés de près ou de loin à l’agriculture et l’alimentation, afin de donner une voix plus importante à des acteurs des systèmes qui sont souvent mis de côté.
Pour briser les contraintes actuelles, qui s’articulent autour de solutions portant sur des innovations technologiques et des changements comportementaux individuels, écrivent encore les scientifiques, « la nouvelle conception du système agroalimentaire mondial devrait être soutenue par une éducation coordonnée et un nouvel agenda en matière de recherche qui remettent en question les connaissances conventionnelles, en plus de se concentrer sur la compréhension et le développement de solutions diversifiées se situant à l’extérieur du paradigme de la croissance.