Si on soupçonne depuis longtemps que l’Amazonie a jadis abrité des sociétés complexes, les preuves sont cachées sous une épaisse forêt, ce qui les rend invisibles du haut des airs. Une analyse de données de télémétrie par laser vient de révéler l’existence d’une dizaine de petits sites jusqu’ici inconnus, et d’en documenter une quinzaine d’autres qui étaient déjà connus.
La culture Casarabe, présente dans le sud-ouest de l’Amazonie — en partie l’actuelle Bolivie — entre les années 500 et 1400, couvrait à son apogée quelque 4500 km2, et le plus gros site urbain dont il est question ici contrôlait à lui seul quelque 500 km2. Les chercheurs qui décrivent leurs données dans la revue Nature, en parlent comme d’un « urbanisme à faible densité » de population, unique en son genre dans le bassin amazonien.
La télémétrie par laser, ou lidar, n’a pas que pour but de détecter des ruines. Elle peut littéralement voir à travers les sols pour détecter des traces d’excavations aujourd’hui recouvertes par l’eau ou la végétation. C’est ainsi que l’équipe dirigée par Jose Iriarte, de l’Université d’Exeter, en Angleterre, a pu identifier des routes et des canaux qui reliaient certains de ces sites, apportant du coup un regard plus complet sur les relations entre ces villes, et même sur l’importance des différentes villes —certaines étant davantage des « carrefours » que d’autres. En plus de l’existence de bâtiments plus importants, avec des terrasses, des enceintes et des réservoirs d’eau, dont des pyramides s’élevant jusqu’à 20 mètres.
On parle de bâtiments construits en terre et non en pierre, précisent les chercheurs, ce qui explique qu’il n’en reste plus grand-chose aujourd’hui : mais là encore, la télémétrie révèle leur forme et leur taille.
L’omniprésence des canaux et des réservoirs révèle aussi indirectement une société qui exploitait les ressources des environs — ce qui veut dire une société assez avancée pour se faire des réserves de nourriture et d’eau et pour survivre aux aléas des saisons. Les chercheurs rappellent d’ailleurs que ce même constat, aussi banal qu’il semble, a mis du temps à être accepté par les chercheurs qui, à partir du 19e siècle, ont étudié les ruines des Mayas, ceux qui ont dominé l’Amérique centrale à partir de l’an 1000 avant notre ère: on a longtemps pris pour acquis que les écosystèmes locaux n’étaient pas favorables à une urbanisation à grande échelle comme la leur, ce qui aurait causé le déclin de leur civilisation. Alors qu’au cours des dernières décennies, les recherches ont au contraire montré que ces peuples savaient utiliser leur environnement de manière à générer des surplus, assez pour soutenir une large population. Il est donc possible que le même raisonnement s’applique à la culture Casarabe.