Les données à propos de nos habitudes et mouvements sont constamment recueillies via des applications mobiles, des logiciels d’entraînement, des relevés de carte de crédit, des témoins installés par des sites internet, et d’autres méthodes. Mais si nous bloquons la collecte de données sur nos appareils, sommes-nous impossibles à retracer? Pas vraiment, selon une nouvelle étude.
« Désactiver la localisation ne sera pas complètement utile », mentionne Gourab Ghoshal, un professeur associé de physique, de mathématiques et de sciences de l’informatique à l’Université de Rochester.
M. Ghoshal, épaulé par des collègues des Universités d’Exeter, Northeastern, du Vermont, et de l’Université fédérale de Rio de Janeiro, a utilisé des techniques découlant de la théorie de l’information et de la science des réseaux pour déterminer l’ampleur de la collecte des données à propos d’un individu en particulier.
Les chercheurs ont découvert que même si des personnes désactivent la collecte d’informations de suivi et ne partagent pas leurs propres données, leurs tendances en matière de mobilité peuvent tout de même être prédites avec une précision surprenante, en fonction des informations colligées auprès de leurs proches et connaissances.
« Pire encore », mentionne M. Ghoshal, « il y a à peu près autant d’informations qui peuvent être recueillies chez de parfaits étrangers que ce des individus tendent à partager eux-mêmes ».
Les conclusions des chercheurs ont été publiées dans Nature Communications.
Le « réseau de colocalisation », le grand coupable
Les spécialistes ont analysé trois séries de données: trois banques d’informations basées sur la localisation et provenant de réseaux sociaux, qui contiennent des millions de « vérifications géolocalisées » effectuées à l’aide d’applications comme Brighkite, Facebook et Foursquare, et les informations relatives à un ensemble de plus de 22 millions d’appels effectués par près de 36 000 personnes anonymes.
Ils ont ensuite développé un réseau de « colocalisation » pour effectuer des distinctions entre les tendances de genres de personnes en matière de mobilité: d’abord, les gens qui sont socialement liés à un individu, comme les membres de la famille, les amis ou les collègues; ensuite, ceux qui ne sont pas socialement liés, mais qui se trouvent au même endroit, au même moment, que l’individu en question. Cela peut inclure des gens travaillant dans la même bâtisse, mais pour des entreprises différentes; des parents dont les enfants fréquentent la même école, mais dans des classes diverses, ou des gens qui magasinent au même endroit.
En appliquant la théorie de l’information et des mesures d’entropie – le niveau de hasard ou de structure dans une séquence de visites à un endroit – les chercheurs ont appris que les tendances de déplacement des personnes socialement liées à un individu contiennent 95 % des informations nécessaires pour prédire les tendances de mouvement de la personne en question. Cependant, de façon encore plus surprenante, les gestes et mouvements des étranges sont aussi utiles, à 85 % près, cette fois.
Mise en garde
La capacité de prédire l’emplacement d’individus ou de groupes peut être utile dans des domaines comme la planification urbaine et la lutte contre la pandémie, où le suivi des contacts s’appuyant sur les tendances en matière de déplacements peut servir d’outil très utile pour stopper la progression de la maladie.
De plus, rappellent les chercheurs, plusieurs consommateurs apprécient la capacité, via la collecte de données, d’obtenir des recommandations personnalisées pour des restaurants, des émissions de télévision, et des publicités.
Cependant, M. Ghoshal rappelle que la collecte de données est une pente glissante, particulièrement parce que, comme l’indique l’étude, les personnes qui partagent des données via des applications mobiles pourraient, sans le vouloir, faire aussi circuler des informations à propos d’autres gens.
« Nous offrons une mise en garde à propos du fait que les gens devraient savoir à quel point la collecte de données peut être vaste », dit-il. « Cette étude a beaucoup d’implications pour les questions de surveillance et de protection de la vie privée, particulièrement avec la montée de l’autoritarisme. Nous ne pouvons pas simplement dire aux gens d’éteindre leur téléphone ou de se déconnecter du réseau. Nous devons dialoguer pour mettre en place des lois et des normes qui réglementent comment les gens qui recueillent nos données les utilisent. »