Un nouveau livre jette à terre l’un des clichés concernant les familles de la classe ouvrière, dans l’Angleterre du 19e siècle: contrairement à ce qu’ont laissé entendre dans leurs romans Charles Dickens et d’autres auteurs de cette époque, la plupart de ces foyers n’étaient pas rongés par la pauvreté et la malpropreté. Ce cliché, qui perdure encore de nos jours, serait ainsi imputable aux écrits de l’époque.
Coécrit par le Dr Joseph Harley et les Dres Vicky Holmes et Laika Nevalainen, The Working Class at Home, 1790-1940 tente ainsi de rétablir les faits en détaillant les vies des gens des classes ouvrières et la façon dont ils ont tenté de se créer un foyer, parfois dans les pires conditions imaginables.
Aux yeux des auteurs, ce sont les récits polémiques de Charles Dickens, mais aussi ceux de Friedrich Engels, qui sont en partie à blâmer pour cette conception erronée.
Les livres de Dickens ont été largement achetés par la classe moyenne, qui avait un appétit vorace pour les histoires de pauvreté extrême qui se retrouvaient dans ses oeuvres, alors qu’Engels était déterminé à démontrer que les conditions de vie de la classe ouvrière s’étaient détériorées à la suite de l’introduction des machines.
Dans son ouvrage influent intitulé The Condition of the Working Class in Englands, Engels écrit que « nous devons admettre que 350 000 ouvriers de Manchester et de ses environs vivent, presque tous, dans des habitations humides et sales, et que les rues qui les entourent sont souvent dans un état misérable ».
Pendant ce temps, dans Life and Labour of the People in London, le réformateur social Charles Booth écrit « une rangée de maisons tombent en décrépitude, largement en raison de quelques locataires indésirables qui, s’ils ne sont pas jetés à la rue, rendent le voisinage insupportable pour quiconque doté d’une once de décence… Tout est sale, et l’odeur est terrible ».
Dans le nouvel ouvrage, les auteurs démontrent que plutôt que de vivre dans une pauvreté perpétuelle, la classe ouvrière a réussi à tirer le plus possible parti de sa situation pour créer des environnements relativement confortables, que ceux-ci soient situés dans un grenier sans lit, sur un navire, ou même dans un asile.
Ainsi, le Dr Harler a démontré qu’entre 1790 et 1834, les citoyens ont accumulé un grand nombre de possessions et de meubles, bien que le niveau de confort était souvent précaire et fluctuait en fonction de la situation financière immédiate des individus.
Les pauvres, par exemple, amassaient une vaste gamme de « biens de luxe » qui étaient associés avec la décoration, le statut, la vanité, et l’apparence. On trouvait des horloges et des montres dans plus d’un quart des résidences, tandis que les miroirs se trouvaient dans l’inventaire du tiers de la population pauvre de l’époque, ce qui permettait à leur propriétaire d’entretenir leur apparence, en plus d’éclairer leur logement plus efficacement.
On a aussi retrouvé des nécessaires à thé dans près de trois quarts des résidences pauvres, ce qui démontre que le thé était passé d’un rare produit de luxe à une boisson nationale au cours du 18e siècle.
Une vie précaire
Cependant, en analysant les biens et les lettres des pauvres, le Dr Harley démontre aussi que les gains matériels pouvaient étaient précaires pour les moins bien nantis, alors que plusieurs familles subissaient des cycles de richesse et de pauvreté matérielle au cours de leur existence. Les possessions étaient souvent vendues aux prêteurs sur gages, ou directement vendues lors des périodes difficiles, comme en temps de maladie, pour que les foyers puissent disposer des ressources nécessaires pour acheter les biens les plus essentiels.
« Les réformateurs inquiétés par l’industrialisation des villes ont peint un portrait évoquant des privatisations extrêmes, de chambres qui étaient à la fois surchargées et vides, et des espaces grouillants de maladie à partir desquels il fallait sauver des individus », mentionne le Dr Harley.
« Même encore aujourd’hui, les logements de la classe moyenne de l’époque continuent d’être perçus comme étant inhabitables, sans le strict minimum en matière de meubles, de conforts matériels, et sales. Cependant, cette image est erronée et implique que la classe ouvrière n’avait pas la capacité, le désir ou les moyens de créer des espaces domestiques relativement confortables. »
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