Dans les premiers jours de la mise au point de vaccins contre la COVID-19, un média social moins connu a offert une plateforme pour des gens partageant les mêmes avis afin qu’ils puissent parler de vaccins, partager de fausses informations et spéculer sur les motivations pour leur mise au point. Une nouvelle étude de l’Université du Kansas démontre que des gens se sont rendus sur la plateforme en question, Parler, pour y trouver une « chambre d’écho », et que ces conversations peuvent permettre de mieux communiquer à propos de l’efficacité vaccinale lors de crises sanitaires.
En prévision de l’élection américaine de 2020, le président de l’époque, Donald Trump, a affirmé qu’un vaccin contre la COVID-19 pourrait être prêt avant le scrutin. Au même moment, des millions de personnes se tournaient vers Parler, une nouvelle plateforme sociale qui promettait un environnement de libre expression en permettant la publication de messages non modérés.
Un trio d’étudiants au doctorat de l’Université du Kansas, spécialisés en journalisme et communication de masse, ont analysé un échantillon de 400 publications sur cette plateforme, entre novembre 2020 et janvier 2021, qui portaient sur les vaccins. Les résultats indiquent que les gens adhéraient aux messages des leaders politiques conservateurs, ont partagé de fausses informations, et ont renforcé des messages jetant le doute sur l’efficacité des vaccins.
« Aux alentours d’octobre, l’an dernier, vous entendions beaucoup parler d’un nouveau réseau social, Parler, pas seulement dans la sphère politique, mais aussi dans la sphère médicale », a déclaré Annalise Baines, la principale auteure de l’étude. « Nous voulions mieux comprendre ce qui se disait à propos, spécifiquement, des vaccins contre la COVID-19, puisque nous avons constaté un changement dans la conversation, de la mise au point des vaccins à la méfiance envers la science concernant leur efficacité. »
Une analyse thématique des publications permet de constater que les utilisateurs parlaient des vaccins selon cinq thèmes distincts, soit les raisons de refuser de se faire vacciner, les effets secondaires, le contrôle de la population via les vaccins, les enfants se faisant vacciner sans le consentement parental, ainsi que les comparaisons entre d’autres problèmes de santé et la COVID-19.
De précédentes études se sont déjà largement penchées sur les communications via les médias sociaux, mais Parler, une plateforme relativement nouvelle qui a suscité la controverse, et qui a perdu son hébergement pendant plusieurs semaines après l’insurrection du Capitole, le 6 janvier, n’a pas été étudié en profondeur.
Durant leurs travaux, les chercheurs ne se sont pas intéressés aux opinions politiques des utilisateurs, mais Parler était fortement populaire chez les conservateurs, et était vantée comme étant une alternative à Twitter et Facebook, toutes deux accusées d’avoir un biais anti-conservateur.
« Si vous vivez dans une bulle au sein de laquelle vous n’entendez parler que de gens qui partagent les mêmes opinions que vous et de l’information qui va en ce sens, cela tend à renforcer ce en quoi vous croyez déjà. C’est aussi une question de faire confiance à certaines personnes plutôt qu’à d’autres. Nous n’avions pas d’informations démographiques sur les utilisateurs, mais nous avons constaté qu’il existait bel et bien des chambres d’écho, et des gens utilisaient même le mot-clé #echo », a déclaré l’un des coauteurs, Muhammad Ittefaq.
Sur Parler, les internautes ont partagé de grandes quantités de fausses informations et nouvelles provenant de sites internet douteux, mais parmi lesquelles ont trouvait parfois de véritables données fiables, comme des publications portant sur les gens décédés après avoir reçu le vaccin, ou encore des personnes vaccinées qui avaient souffert de graves effets secondaires.
« Certaines des raisons expliquant l’hésitation vaccinale sont jugées légitimes, et les principales craintes pourraient avoir découlé du fait que les gens s’inquiétaient des effets secondaires », mentionne une autre coauteure, Mauryne Abwao. « En ce moment, nous avons des cas où certains vaccins ne sont plus administrés; cependant, cela ne devrait pas décourager les gens de se faire vacciner. »
Contrôle des populations?
L’une des théories de la conspiration les plus populaires partagées sur Parler avançait que les vaccins étaient mis au point pour permettre aux gouvernements ou à un nouvel ordre mondial de contrôler la population, selon les chercheurs responsables de l’étude.
De fréquentes théories impliquant l’utilisation de micropuces injectées en même temps que le vaccin ou une enzyme qui contrôlerait la population, a révélé l’étude. Les internautes incluaient fréquemment des liens, des vidéos et des images avec ces fabulations, bien que lorsque des sources étaient incluses, il s’agissait de sites non vérifiés ou de vidéos qui auraient été coulées à l’insu du gouvernement. Des méthodes similaires étaient employées pour d’autres théories, en plus de l’utilisation de divers mots-clés.
Les conclusions des travaux mettent de l’avant plusieurs points essentiels en matière de communications liées à la santé, en plus d’informations découlant de l’utilisation des médias sociaux. Le public écoute le message des élus et y adhèrera, comme le fait que M. Trump a décrit la pandémie comme une « fraude », ou l’appui, par le sénateur républicain Ted Cruz, de la plateforme Parler comme d’un endroit où partager des opinions sur l’actualité et les enjeux courants.
Les points de vue partagés par le public peuvent non seulement favoriser la dissémination de fausses informations, mais peuvent aussi s’avérer instructifs, pour les décideurs politiques et les responsables de la santé publique, lorsque vient le temps de contrer la rhétorique antivaccin.
Selon M. Ittefaq, les responsables de la santé publique occupent un poste difficile, en vertu duquel ils sont formés pour effectuer des tâches scientifiques et partager leurs découvertes, et non pas de lutter contre la désinformation.
Mais s’ils sont en mesure d’utiliser des informations crédibles via les témoignages d’individus et d’experts fiables, ils peuvent aider à disséminer de l’information crédible à propos des crises sanitaires, a-t-il ajouté.
L’analyse des chercheurs démontre que les gens écoutent ceux qui pensent comme eux, et que si les experts en santé publique peuvent partager des informations valides avec des personnes qui, à leur tour, partagent le tout avec leurs pairs, ils obtiendront un plus grand succès dans des situations comme la pandémie de COVID-19, dans le cadre de laquelle les gens continuent de chercher des informations valides à propos des vaccins.
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