C’est l’étude que plusieurs attendaient, mais qui n’étonnera personne: les divisions idéologiques aux États-Unis peuvent être associées à des lieux où la pandémie a frappé plus fort… et où elle a fait plus de morts.
Si un téléphone ne peut pas révéler l’affiliation politique de son propriétaire, du moins peut-il révéler s’il vit dans un comté plus bleu ou plus rouge. C’est ainsi que des chercheurs en psychologie et en médecine de trois universités américaines révèlent, à partir des données de géolocalisation de 15 millions de téléphones, que dans les comtés qui ont voté majoritairement pour Donald Trump en 2016, on notait 14,5% moins de distanciation sociale entre le début-mars et la fin-mai 2020. La distanciation sociale étant ici prise au sens large: le nombre de contacts avec d’autres personnes, mais aussi le fait de se rendre (ou non) dans des « commerces non essentiels », comme les restaurants.
L’affiliation partisane était même le facteur le plus significatif, davantage que le nombre de cas de COVID dans le comté, la densité démographique, le revenu, l’âge ou le groupe ethnique.
Le pays est divisé en 3000 comtés. La recherche est parue le 2 novembre dans la revue Nature Human Behaviour.
Ce n’est pas un secret que la partisanerie politique « a été en hausse aux États-Unis et à travers le monde », écrivent les chercheurs dans leur introduction. Mais la pandémie fournissait une opportunité pour mesurer jusqu’où cette « identité de groupe » peut aller: « est-ce qu’une crise internationale risquant de provoquer d’importantes pertes de vie et une crise économique prolongée pourrait réunir les gens » de manière non partisane? Poser la question, c’était apparemment y répondre.
À leur défense, la majorité des gens ont pratiqué une certaine retenue: par rapport à la période d’avant mars 2020, on notait au printemps une diminution moyenne des déplacements de 21% et une diminution moyenne de 31% des visites aux commerces non essentiels. Mais plus le comté avait favorisé Trump en 2016, et moins cette diminution était importante. « Pour chaque 1% d’augmentation du vote pour Donald Trump par rapport à Hillary Clinton », la diminution des mouvements s’écartait de la moyenne de 0,11%, et la diminution des visites aux commerces, de 0,13%.
La consommation médiatique a pu aussi jouer: on semble observer une corrélation entre le niveau d’écoute par comté de Fox News, et le niveau de distanciation sociale (une observation que l’équipe de chercheurs reconnaît ne pas être la première à faire).
Au final, le bilan pourrait s’avérer lourd: parce que cette ligne partisane semble aussi pouvoir être associée à un plus haut taux d’infection: les comtés qui ont voté le plus fort pour Trump en 2016 « ont vécu un taux d’infection moyen de 0,59% plus élevé que la moyenne » entre la fin-mars et la fin-mai. La preuve devra attendre quelques mois pour être faite, mais il est probable qu’en plus, une telle différence se traduise par un plus haut taux de décès.
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