Dans une étrange prison, les détenus occupent, à raison de deux personnes par étage, un gigantesque complexe comptant un nombre inconnu de niveaux. Chaque jour, une plateforme contenant des mets délicats en abondance descend lentement, pour être rapidement vidée de ses victuailles nourricières. Un homme, nouvellement arrivé dans l’univers sadique du film The Platform, tentera de changer les choses.
Film espagnol sorti en 2019, puis récemment rendu disponible sur Netflix, El Hoyo – littéralement « le trou » – fait rapidement penser à une hiérarchie sociale traditionnelle. Ceux qui se retrouvent en haut peuvent accaparer toutes les richesses, pendant que ceux plus bas se contentent des miettes, quand ils ne vont carrément pas jusqu’au suicide, plutôt que de devoir jeûner pendant 30 jours.
À chaque changement d’étage, il y a donc ceux qui sautent tout en bas, tête la première. Il y a aussi ceux qui attendent que la plateforme remonte à toute vitesse, une fois son trajet terminé, histoire d’en finir. Et cela, c’est sans parler de ceux qui tuent leur compagnon de cellule, par exemple. Bref, cette prison est non seulement un lieu d’incarcération pour les corps, mais aussi pour les esprits. Si l’on peut emporter un seul objet avec soi pendant la période d’enfermement prescrite, les « résidents », volontaires ou non, semblent surtout se tourner vers les armes de toutes sortes.
Ce ne sont toutefois pas que les désespérés du bas qui se tuent: « Ceux du haut ont la panse pleine, et beaucoup de choses auxquelles penser », lancera le premier compagnon du personnage principal… compagnon qui tentera justement de le découper en lanières, petit à petit, lorsqu’ils se retrouveront coincés dans un niveau très, très loin vers le bas.
Faut-il simplement accepter son sort? Faut-il plutôt tenter de se révolter? Si oui, comment? Est-ce vraiment une peine injuste, lorsque les prisonniers sont répartis au hasard, une fois par mois? Et qui contrôle cette réaffectation? Qui est cette Administration anonyme, symbole de tous les abus gouvernementaux qui soient, exemple par excellence d’un pouvoir aveugle qui fait mourir ses citoyens, tout en se montrant cruel avec ceux qui survivent? Et qui sont, surtout, ces cuisiniers qui préparent, tous les jours, les mets gourmets qui seront servis aux prisonniers? Pourquoi cette obsession du détail, de la qualité des plats? Ne vaudrait-il pas mieux constamment fournir des barres alimentaires riches en protéines et en minéraux, ou encore cette bouillie que mangeaient les personnages dans The Matrix?
À toutes ces questions, le réalisateur Galder Gaztelu-Urrutia n’offre pas de réponse: il faudra que le spectateur se forge ses propres opinions, développe ses propres idées. Force est d’admettre, cependant, que ce premier « vrai » film du réalisateur est non seulement réussi sur le plan du scénario et de la symbolique, mais que le côté visuel est franchement très bien développé. Cette horrible construction, qui évoque la structure impensable, mais pourtant terriblement présente, du classique Cube, symbolise l’accomplissement technologique de l’humanité, tout en étalant son asservissement au grand jour.
Un film saisissant, qui donne parfois froid dans le dos. À voir.