La mode est à la féminisation, ou du moins à s’intéresser finalement au point de vue des représentantes du sexe féminin. Si certains projets ont la main plus heureuse, leur réception est encore la preuve, toutefois, que le chemin est encore long à prendre. Néanmoins, ce Ophelia surprend, puisque son savoir-faire répare souvent ses faux pas et l’intérêt ne disparaît que très rarement au fil de l’écoute.
Peut-être qu’un jour on appréciera le très amusant Ghostbusters de Paul Feig à sa juste valeur, mais pour l’instant la misogynie généralisée indique clairement que le monde n’est pas encore prêt pour autant de place fait aux femmes, tout en laissant les hommes dans les rôles de soutien.
Basé sur le roman de Lisa Klein, le film Ophelia s’intéresse ainsi au récit du fameux Hamlet de Shakespeare, mais selon la perspective de sa flamme. Un procédé autant littéraire que scénaristique qui s’avère ici beaucoup plus gagnant que, par exemple, le trop ridicule Mary Magdalene de Garth Davis. Probablement parce que la réalisation de Claire McCarthy jouit d’une vitalité non-négligeable et qu’elle a su transposer sur grand écran autant la vision de Klein que l’adaptation qu’a su en tirer Semi Chellas, responsable du scénario, conservant une essence typiquement féminine quant au fondement de la production.
Le reste suit, évidemment. Certes, bien qu’impressionnante, la distribution ne parvient pas toujours à faire oublier la notoriété de certains interprètes. Bien que charismatique, il est encore dur de dire si Daisy Ridley a vraiment ce qu’il faut pour survivre après Star Wars, alors que Tom Felton, dans la peau de son frère Laertes, continue de démontrer que l’après Harry Potter n’est pas facile pour tout le monde.
Au moins, Naomi Watts se joue bien du double rôle, en plus de renouer avec Clive Owen, qui a beaucoup de plaisir dans la peau du vilain Claudius. Tout cela permet de rehausser la présence toujours forte de George MacKay, qui rappelle qu’il a toujours eu une carrière intéressante avant 1917, un film qui risque néanmoins d’être ce qui le révélera au grand jour.
Visuellement, on a droit à un long-métrage de qualité. Des costumes aux décors, tout y est somptueux et la direction photo de Denson Baker vient auréoler le tout d’images souvent magnifiques faisant bonne compréhension des sources de lumières tout comme de la nature ambiante. Cette première incursion dans le drame d’époque en costumes pour le compositeur Steven Price est également très convaincante aidant beaucoup cette relecture à arborer une modernisation sentie et engageante. Il y a également une chanson thème tirant ses paroles directement de la pièce de théâtre d’origine et interprétée par Ridley elle-même.
Bien sûr, la source demeure toutefois un livre destiné aux adolescents et le côté tragique qui émane habituellement des écrits du célèbre dramaturge anglais est régulièrement amoindri pour s’appuyer davantage sur les histoires de cœur et les intérêts de jeunes adultes. Après tout, avec sa chevelure rousse et son désir d’écouter sa voix et ses désirs, la protagoniste donne régulièrement l’impression de faire partie d’une version « réelle » du film d’animation Brave de Disney Pixar.
On reste quand même surpris par le talent qui se dégage de l’ensemble et cet Ophelia s’écoute avec beaucoup de facilité, donnant la chance d’offrir une version adoucie de Shakespeare pour un plus large public. Si la version proposée ne contient pas de suppléments (on n’aurait pas dit non à des making of pour mieux comprendre tout le gros travail derrière différents aspects), on a quand même droit à une version française autant de manière audio qu’en sous-titres.
6/10
Ophelia est disponible en DVD et Blu-ray via VVS Films dès le mardi 25 février.