On peut comprendre qu’après plus d’une décennie à se contenter des petits écrans, Melina Matsoukas a voulu voir plus grand. Dommage toutefois que ce qu’on décrit autant comme une « black odyssey » ou un « Bonnie & Clyde afro-américain » doit se contenter d’un piètre scénario qui empêche Queen & Slim d’incarner un couple iconique du septième art, de ceux qui marquent le temps.
En tant que réalisatrice, Melina Matsoukas n’a décidément pas à se plaindre. Sa longue liste de vidéoclips compte des collaborations avec notamment Jennifer Lopez, Beyoncé, Rihanna, Whitney Houston, No Doubt, Katy Perry, Lady Gaga et Snoop Dogg, pour ne nommer que ceux-là. Pour son grand saut au cinéma, elle s’attaque à un sujet actuel propulsé par un amour qui défie le temps, croisant au passage au moins deux nommés aux Oscars.
On découvre nos deux protagonistes à peu près au même moment où ceux-ci se rencontrent pour la première fois, sorte de rencontre Tinder qui ne devrait pas être significative. On suivra leur soirée et l’enchaînement des événements qui vont se succéder en même temps qu’eux et y voir croître une certaine affection pour ce couple qui se matérialise toujours un peu plus sous nos yeux.
Émotionnellement, par contre, ce sera autre chose. La durée a beau être excessive, cela ne sera pas à l’avantage de l’ensemble puisque malgré quelques jolies scènes, on sera surtout marquer par la stupidité profonde des revirements. De ces dialogues qui puisent dans un humour qui ne trouve jamais son rythme et tous ces moments où l’on essaie d’imposer une espèce de poésie artistique pour magnifier en vain le tout, on remarquera toujours plus à chaque instant à quel point le scénario de Lena Waithe carbure à une naïveté qui se prend définitivement très mal.
Dans un ramassis épatant de mauvaises décisions et d’un illogisme constant et flagrant, on se surprend du sérieux dans lequel se confine toute la distribution, à débuter par les deux acteurs principaux, qui se dévouent corps et âme à essayer de nous faire avaler tout ce que leurs personnages font décidément sans réfléchir. Daniel Kaluuya est d’ailleurs encore excellent, mais même son talent ne parvient pas à sauver l’entreprise. Les trop courtes apparitions de Chloë Sevigny et Bokeem Woodbine non plus, tout comme cette sous-utilisation flagrante des lieux visités, incluant le quartier de Treme à NOLA.
De cette provocation facile qui s’empare de la révolte afro-américaine face aux différentes injustices de ce monde se construit une grande fuite vers un désir de liberté fantasmé. Des intentions fort louables oui, mais constamment réduites à néant par des décisions qui font difficilement du sens. Ainsi pour chaque jolie réflexion nous arrive un retour en arrière qui nous donne l’impression d’assister à un film d’horreur où l’on crierait au personnage de ne pas faire ce qu’ils sont en train de faire.
Le fait de faire agir ses personnages sous la forme de l’impulsion comme des gamins est également difficile à avaler, surtout face à leur âge avancé et le fait qu’on nous rappelle constamment que l’un des deux est avocate.
Queen & Slim souffre alors de tout. Du gros bon sens à un trop plein d’ambition, jusqu’à une affection au projet qui impacte tout le reste négativement. Un long-métrage qui aurait pu et aurait dû être majeur, mais qui se contentera de vite se faire oublier, malheureusement.
4/10
Queen & Slim prend l’affiche en salles ce mercredi 27 novembre.