Depuis au moins deux décennies, les professionnels de la santé recommandent aux parents de ne pas donner d’aliments allergènes, comme les œufs et les noix, à leurs enfants en bas âge. Or, de récentes études ont remis en question cette pratique censée éviter les réactions allergiques. Le Détecteur de rumeurs fait le point.
Que dit la recherche?
De plus en plus de données probantes indiquent en effet que l’introduction d’aliments allergènes solides avant l’âge de six mois chez les nourrissons considérés à haut risque contribuerait à prévenir l’apparition d’une allergie alimentaire, particulièrement aux œufs et aux arachides.
Les bébés sont considérés à haut risque s’ils ont une prédisposition personnelle ou familiale aux allergies, comme l’eczéma, ou si un membre de leur famille au premier degré, comme un frère ou une sœur, est atteint d’allergies.
La Société canadienne de pédiatrie encourage désormais les parents de ces enfants à introduire dans leur alimentation de petites quantités d’aliments potentiellement allergènes, comme les arachides, le poisson ou les œufs, vers l’âge de six mois, mais pas avant quatre mois.
Ainsi, dès que le nourrisson est capable de manger des solides, on peut lui offrir des arachides sous forme de poudre ou de beurre; ou encore des œufs en poudre ou des recettes qui en contiennent. Une façon de casser l’allergie avant qu’elle ne s’établisse, avancent ces experts.
Une allergie alimentaire est une réaction excessive du système immunitaire qui reconnaît erronément un aliment comme un « ennemi ». Cette réaction excessive peut, dans les cas les plus bénins, provoquer des démangeaisons, et dans les pires des cas, le décès. La stratégie dont il est question ici est d’exposer le système immunitaire à des aliments susceptibles de provoquer des allergies, pour qu’il les reconnaisse comme inoffensifs.
Prévenir chez les enfants à haut risque
En ce qui concerne les arachides, l’étude LEAP (Learning Early About Peanut), une étude menée auprès de 640 nourrissons publiée en 2015, démontre que l’introduction précoce d’arachides peut prévenir l’allergie chez les nourrissons à haut risque de développer cette allergie. La réduction du risque pouvait atteindre 80%. Par exemple, 3,2 % des bébés qui ont commencé à manger des protéines d’arachides entre 4 et 11 mois ont développé une allergie. Cette proportion s’élevait à 17,2% chez ceux qui n’avaient pas été exposés aux arachides avant l’âge de 5 ans.
En 2016, une méta-analyse a confirmé que l’introduction précoce d’œufs (à un âge variant entre quatre et six mois) ou d’arachides (entre quatre et onze mois) réduisait le taux d’allergie à ces deux aliments.
Plusieurs autres études ont porté sur l’introduction précoce des œufs chez les nourrissons à haut risque. Menée auprès de 121 nourrissons, l’étude PETIT (Prevention of Egg allergy with Tiny amount InTake), publiée en 2017, a établi que l’ingestion quotidienne, à partir de six mois, de poudre d’œuf chauffée, réduisait radicalement le taux d’allergie aux œufs par rapport à l’évitement complet des œufs jusqu’à l’âge d’un an (9% par rapport à 38 %).
En revanche, dans l’étude STAR (Solids Timing for Allergy Research), impliquant 820 nourrissons à haut risque ou courant un risque héréditaire d’allergie, les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve que la consommation régulière d’œufs entre quatre et six mois modifiait considérablement le risque d’allergie aux œufs avant l’âge d’un an, chez les nourrissons qui ne présentaient aucun symptôme d’eczéma au début de l’étude.
La cause semble donc claire pour les nourrissons à haut risque. Mais en ce qui concerne les nourrissons à plus faible risque, d’autres études devront être réalisées pour déterminer si l’introduction plus précoce d’aliments allergènes leur est également bénéfique.
Les autres allergènes
Les preuves manquent aussi à l’égard des autres aliments allergènes. Des études d’observation appuient l’introduction précoce des produits du blé et du lait de vache pour prévenir ces allergies. Une étude publiée en 2010 indique qu’une exposition précoce à une protéine de lait de vache en complément de l’allaitement pourrait favoriser la tolérance. Pourtant, une autre publiée en 2006 conclut que de retarder l’exposition aux céréales après six mois peut augmenter le risque de développer une allergie au blé.
Par ailleurs, il existe peu de données comparant l’introduction des aliments allergènes courants à l’âge de quatre mois et leur introduction à l’âge de six mois. Publiée en 2016, l’étude EAT (Enquiring About Tolerance) a comparé chez 1303 nourrissons l’introduction précoce (à l’âge de trois mois) et standard (à l’âge de six mois) de six aliments souvent allergènes: lait, œufs, blé, arachides, poisson et sésame. Les chercheurs n’ont pas constaté de différence du taux d’allergie alimentaire.
Les recommandations
C’est à la lumière de ces données que la Société canadienne de pédiatrie recommande d’introduire les arachides et les aliments allergènes dans l’alimentation des bébés à haut risque vers l’âge de 4 à 6 mois, avec l’appui d’un professionnel de la santé. Pour les bébés n’ayant aucun problème de santé particulier, les parents peuvent agir selon leur préférence.
Ces recommandations respectent celles de Santé Canada, qui prône l’allaitement exclusif des nourrissons jusqu’à l’âge de 6 mois. L’organisme convient toutefois que les aliments complémentaires peuvent être introduits quelques semaines plus tôt lorsque le bébé semble prêt à consommer des aliments solides.
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