Ce n’est pas nouveau d’essayer de trouver la beauté dans l’horreur, et en s’appuyant sur de nombreux thèmes non dénués d’intérêt, Louise Archambault essaie encore d’aller au-delà des conceptions. Dommage, toutefois, que son très attendu troisième long-métrage Il pleuvait des oiseaux, son adaptation du roman acclamé du même nom de Jocelyne Saucier, ne transcende ni les mots, ni le médium auquel il se réfère, à défaut d’offrir quelques pans d’une tendresse indéniable.
Les fantômes, le passé, les souvenirs, voilà un film qui comme tant d’autres s’attaque à la vieillesse et, intrinsèquement, à la vie. Qu’est-ce qu’une vie qui vaut la peine d’être vécue? Est-il trop tard? A-t-on fait les bons choix? Sommes-nous passés par-dessus nos meilleures occasions?
Et si cette mélancolie est évidemment bien présente dans le long-métrage, on ne manque toutefois pas d’y insuffler un vent d’espoir qui apporte probablement la plus belle fraîcheur de ce qui aurait pu n’être qu’un film bien larmoyant.
Il y a bien un très horrible plan de drone plus ou moins en ouverture en plus de valoriser une direction photo qui laisse à désirer (pourquoi la majorité des plans semblent-ils déformés?) tout en nous faisant subir certains passages comme un Rémy Girard qui n’en peut plus de nous pousser la chansonnette aux oreilles. Il y a également bien deux ou trois histoires qui se battent pour le sellette sans jamais vraiment s’entendre ni vraiment bien s’imbriquer.
Pourtant, l’histoire est attachante et les comédiens, de façon quasi généralisée, sont certainement excellents. Son personnage a beau faire ni queue ni tête, Ève Landry est plus supportable que jamais, et si son destin laisse à désirer, Éric Robidoux (qui semble toujours difficilement trouver un rôle à la hauteur de son talent) jouit d’une complicité inattendue à ses côtés. Dommage, toutefois, que c’est leur moitié du récit qui alourdit les cartes. À mi-chemin entre un début de crise de la quarantaine mal exploitée et une enquête de détective sortie plus ou moins d’un Agatha Christie semi-journalistique, on admet rapidement que cette manière maladroite d’amener nos sujets principaux au grand jour aurait pu être évitée.
Bien sûr, il fallait un fil conducteur pour bien lier la rencontre de cette chère octogénaire rescapée avec ces deux ermites reclus en forêt tentant de passer sous silence la mort toute récente de leur plus fidèle allié. Il fallait aussi une manière de souligner constamment l’importance de ce rapport aux grands feux.
Sauf que ces liens, tous plus boiteux les uns des autres, ne s’amalgament jamais vraiment ensemble, et plus le récit avance, plus on a l’impression d’y voir plusieurs éléments isolés, comme des segments d’une télésérie ou minisérie qu’on aurait condensée en film, au point de cibler son intérêt sur des moments précis.
Ainsi, Gilbert Sicotte est d’une grande douceur et trouve une jolie chimie auprès de Andrée Lachapelle (surtout lorsqu’elle se laisse aller, plutôt que de surjouer les toqués), alors que Rémy Girard a encore bien du plaisir à faire le bougonneur de service là pour y apporter régulièrement l’humour. Certes, on aurait pris plus de Louise Portal, qu’on vieillit encore plus qu’on le devrait, mais si l’on oublie les quelques chansons pop très mal incorporées à l’ensemble, on peut compter sur les très jolies mélodies du groupe Will Driving West qui avait composé l’admirable trame sonore pour le mésestimé L’affaire Dumont.
Attachant sur le long, décevant sur le tard, le film finit par ne plus fournir face à tous les chevaux qu’il a tenté de suivre. À l’image de son public cible, on valorise et priorise la simplicité et les belles images au lieu d’y aller de logique. On en profite également pour offrir une vitrine à l’inusité, alors qu’après avoir offert une sexualité aux handicapés, Archambault se permet d’en offrir une aux personnages âgés.
Sauf que ces tentatives de faire les manchettes et de donner un mandat à son film dont le succès est certainement assuré, ne demeurent pas suffisantes. La réalisation trop souvent aléatoire ne sait pas toujours sur quel pied danser et se contente de multiplier des coups de cœur, plutôt que des coups de génie. Rien ne semble particulièrement réfléchi et on y semble y aller d’un hasard qui boursoufle le scénario qui lui aussi semble inachevé. Difficile alors de comparer avec la source littéraire, mais on doute que celle-ci finisse probablement par mieux s’emboiter au bout du compte.
Ne se méprenons toutefois pas. Il pleuvait des oiseaux est certainement un grand pas en avant face à Gabrielle, qui ne parvenait pas vraiment à transcender la bonne volonté de son sujet nécessaire. Probablement à cause de sa distribution, facilement irrésistible, mais aussi à cause de l’aisance qui se dégage rapidement de ce retour à la nature et ce désir accessible de la liberté. Dommage alors que les fils blancs du récit ne jouissent pas autant de cette même aisance qui habite si bien les personnages qu’il tente d’animer.
6/10
Il pleuvait des oiseaux prend l’affiche en salles le vendredi 13 septembre.
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