Véritable cauchemar que cette production entourant le premier film en langue anglaise de Xavier Dolan, The Death and Life of John F. Donovan, prouvant qu’à l’inverse de plusieurs de ses confrères québécois, ce passage vers l’autre côté de la frontière ne fut pas de tout repos. On constate rapidement pourquoi, puisqu’il est difficile d’imaginer ce qui aurait pu sauver cet incroyable raté.
On peut comprendre qu’en tâtant un nouveau terrain, on ait eu envie de se baser sur quelque chose de stable. On peut comprendre aussi que si son look, ses effets de style et ses nombreuses références artistiques et cinématographiques ont toujours fait partie intégrante de sa signature, que ce fut toujours d’abord et avant tout des films d’acteurs, le fait de se retrouver sans aucun de ses repères ou même de ses muses n’est décidément pas une chose facile.
On comprend également qu’il peut être intimidant de s’être retrouvé avec une distribution aussi imposante et prestigieuse, et que cela n’aidait certainement pas à réduire les attentes ou à amoindrir le défi à surmonter.
Ce qu’on a plus de mal à avaler, c’est de ne rien faire avec cette même distribution, qu’on relègue à des monologues et des rôles en deçà de leurs compétences, oui, mais aussi de se retrouver avec un remake américain involontaire de Laurence Anyways.
Non seulement le canevas est-il le même, celui de l’entrevue qui débute mal en leitmotiv, et où un lien inattendu se tisse entre la journaliste et son sujet au fur et à mesure que ce dernier nous raconte son histoire, mais les réflexions sont également semblables. Après tout, on ne fait que délaisser la transsexualité, pour transposer le modèle du film face à un sujet typiquement américain: les aléas de la célébrité.
Pour le reste, la sexualité incomprise, l’amitié ambiguë, le père absent, les problèmes avec la mère, tout ce travail de transformation et on en passe, s’y retrouvent avec beaucoup de similitudes, les fameuses scènes de clubs et de grande soirées se ressemblant de film en film étant également de la partie. Le tout suscite une impression que le film n’est qu’un tour de passe-passe sans aucune profondeur, ni même un soupçon d’aisance à développer ne serait-ce qu’une seule des thématiques titillées.
Bien sûr, le personnage du titre n’est pas le protagoniste. C’est un fantôme, un mystère, un James Dean des temps modernes, alors qu’on se concentre sur le destin d’un jeune homme qui nous ressasse tous les clichés imaginables de l’intimidation. On trace constamment ce parallèle entre ces deux vies, toutes deux en quête d’exsitence, une encore au tout début et l’autre, sans le savoir, près de sa propre finalité. La métaphore du coup dans le mur étant parmi les très nombreuses images grotesques que le film nous force à avaler.
Le scénario s’alourdit d’ailleurs constamment d’images grandiloquentes que tout le reste n’aide certainement pas à digérer. Bien sûr, les dialogues n’ont aucune subtilité, mais avec l’effet d’un certain Jean-Marc Vallée, on nous amplifie le tout avec un montage insistant, oui, mais également avec une trame sonore dont les paroles subliminales, toujours choisies avec minutie, pourraient difficilement nous surligner davantage à gros traits ce qui se produit sous nos yeux.
Si l’on retient Jesus of Suburbia, des extraits de Pink comme « LA told me, « You’ll be a pop star, All you have to change is everything you are » », ou encore un moment familial sous « Desperate for changing, starving for truth », rien ne bat cette scène dégoulinante, littéralement, sous un cover sirupeux de Stand By Me, avec des satanés ralentis en extra.
Ces excès semblent indubitablement vouloir couvrir le manque de contenu et de substance et ce sentiment éparpillé d’un film qui n’a pas cessé de se métamorphoser. On y voit un casse-tête qui ne fait pas vraiment de sens et dont l’on ressent terriblement l’absence de toutes les pièces manquantes. C’est encore plus vrai lorsque le film essaie en vain de manipuler nos émotions avec l’assurance d’une saga de quelques heures alors qu’on a trimé cela dans une durée qui ne mérite pas notre investissement à la fois émotionnel et intellectuel.
Résultat étonnant, puisque le montage a après tout été partagé avec Mathieu Denis, cinéaste qui n’a habituellement pas peur de s’étirer.
Pauvre Jacob Tremblay qui se retrouve à crier, injurier et larmoyer à n’en plus finir, alors que Natalie Portman est complètement gaspillée dans ce rôle de mère incomprise. Cela ne s’améliore pas avec Susan Sarandon qu’on semble toujours lui faire jouer plus vieux et malhabile qu’elle le devrait, alors qu’Emily Hampshire, l’un de nos beaux secrets bien gardés du Canada anglophone, démontre également que Dolan n’a pas su nous offrir de beaux personnages féminins auquel il nous avait pourtant habitués.
Amara Karan est probablement celle qui s’en sort le mieux, puisqu’elle a la chance de donner davantage dans la nuance que les Sarah Gadon et autres Thandie Newton, alors qu’on aurait certainement pris davantage de Kathy Bates.
Pour le reste, Dolan continue d’explorer et d’exhiber ses fantasmes à n’en plus finir. Cela va vers des trucs plaqués, comme un clin d’œil à My Own Private Idaho, jusqu’à une farandole de beaux jeunes hommes filmés sous toutes les coutures tel Jared Keeso, Ben Schnetzer et Chris Zylka, qui ne parviennent jamais à aller au-delà de leurs attraits physiques, pendant que Kit Harington n’a jamais la profondeur de jeu nécessaire pour nourrir convenablement le mystère qu’il devrait entretenir.
La réalisation de fantasmes atteint son paroxysme dans cette inclusion d’une inutilité abyssale de recourir à nul autre que Dumbledore en personne dans tout cela, de quoi faire passer son obsession pour Titanic dans les films précédents pour de la petite bière. On pensait que les parallèles avec Harry Potter dans The Hate U Give en faisaient un peu trop, mais on n’avait encore rien vu.
Face à quelque chose d’aussi fade et d’aussi inconséquent, jouant constamment sur notre capacité à endurer plutôt qu’à apprécier, on se dit que toute l’histoire entourant la création du film est probablement plus intéressante que le produit final qui se déroule sous nos yeux. Est-ce qu’une des versions du scénario avait tout le potentiel qu’on nous a finalement ruiné au final? Est-ce que la participation à l’écriture de Jacob Tierney a empêché le cinéaste de pleinement voler de son propre instinct?
On ne saura probablement jamais toute la vérité de ce désastre coûteux à tous les niveaux possibles (était-ce nécessaire de tourner véritablement à Prague pour des scènes qui se déroulent entièrement dans un café?) et on se retrouve avec quelque chose qui sans la notoriété de tous ceux réunis, n’aurait certainement pas fait couler autant d’encre. On se demande alors si tout ce cirque était nécessaire puisque face à sa réputation (à laquelle ni Denis Villeneuve, Ken Scott et autres Philippe Falardeau ne pouvaient rêver à son âge), on doute que cette étape était la plus nécessaire.
4/10
The Death & Life of John F. Donovan prend finalement l’affiche en salles ce vendredi 23 août.
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