Important problème de santé publique, le suicide régresse néanmoins au Canada depuis les années 2000, particulièrement chez les hommes de 18 à 64 ans. Les experts constatent toutefois une légère augmentation chez les adolescents et les jeunes adultes.
« Nous voyons plus de jeunes filles qui utilisent des moyens létaux qu’auparavant, même si ce sont encore les garçons qui meurent le plus par suicide. L’écart diminue, car elles font plus de tentatives qu’eux », annonce Marie-Claude Geoffroy, professeure assistante à l’École de psychologie appliquée aux enfants de l’Université McGill et co-organisatrice du colloque sur les nouvelles perspectives scientifiques pour la prévention du suicide de l’actuel congrès de l’ACFAS.
La chercheuse s’intéresse plus particulièrement à l’intimidation et à la cyberintimidation chez les adolescents. Dans une récente étude, son équipe a évalué la santé mentale de 1363 jeunes de 15 ans qui avaient précédemment rapporté avoir été victimes d’intimidation quand ils avaient entre 6 et 13 ans.
Sans grande surprise, les plus vulnérables à la dépression et au suicide se retrouvent au sein du groupe fréquemment et sévèrement intimidé, soit 15% des participants. Lorsque les jeunes « victimisés » arrivent à l’âge adulte, ils présentent alors le plus de risques de suicide. « L’intimidation, tout comme la maltraitance et les problèmes de santé mentale des jeunes, sont de grands facteurs qui vont main dans la main avec la vulnérabilité au suicide », soutient encore la Pre Geoffroy.
La cyberintimidation, nouveau fléau, présente à court terme un plus grand risque pour la victime en raison de son potentiel viral et de la possibilité que l’harceleur soit anonyme. « Il y a un chevauchement des deux formes de harcèlement, en ligne et en personne: près de 40 à 50% des victimes de cyberintimidation le sont aussi dans la cour d’école », précise la chercheuse.
On y pense plus à l’adolescence
L’adolescence constitue une période où l’on pense plus au suicide — cela culmine vers 14-15 ans — sans doute en raison d’une impulsivité, d’une prise de risques plus grande, de la difficulté à réguler ses émotions, de la recherche de son identité et de l’apparition des problèmes de santé mentale.
Interrogés sur l’existence de pensées suicidaires dans la dernière année, 23,2% répondent par l’affirmative, soit un sur quatre! Les filles s’avèrent plus nombreuses : 31,1 % contre 14,7% pour les garçons.
Mais tous les adolescents, même ceux qui ont connu la victimisation, ne vont pas développer des idées suicidaires. « Il existe certains facteurs de protection, comme l’appui des parents. Être bien entouré, pouvoir se confier et même aller chercher de l’aide, aident à tenir loin de telles idées », relève la chercheuse.
Le Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et troubles associés (RQSHA) fait la promotion de la recherche pour la prévention du suicide au Québec et met à la disposition de la communauté scientifiques des outils internet utiles — telle que la Plateforme d’analyse de la régulation sociale du suicide au Québec (PARSSQ).
Faire attention au sommeil
Les parents doivent aussi être vigilants quant au sommeil de leurs ados. Ils devraient particulièrement surveiller la somnolence diurne, un indicateur fortement associé à l’émergence des pensées suicidaires et des troubles dépressifs à l’âge de 15 ans, selon une étude québécoise à paraître bientôt.
Les chiffres sur les pensées suicidaires sont d’autant plus alarmants qu’il s’agit d’un groupe à risque pour le manque de sommeil. « Les ados jouent souvent au yoyo avec peu de sommeil en semaine et de grandes périodes de récupération en fin de semaine », explique la professeure en psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Evelyne Touchette.
Les adolescents ont besoin de 8 à 10 heures de sommeil et seuls 15% d’entre eux y parviennent. Une méta-analyse publiée par des chercheurs internationaux avait déjà démontré cette association entre une faible quantité de sommeil et un risque plus élevé de dépression et de pensées suicidaires.
L’équipe de la Pre Touchette note également que les jeunes qui sont plus longs à s’endormir seraient également à risque, probablement en raison du mécanisme de rumination susceptible de perturber le sommeil. Un ado sur trois (35,5 %) pourrait être confronté à ce problème lorsque son endormissement dépasse 30 minutes.
S’il importe de privilégier la qualité du sommeil plus que la quantité, des chercheurs relèvent que les jeunes auraient besoin d’au moins autant de sommeil que leurs cadets, particulièrement le matin. La spécialiste du cerveau des adolescents, la psychiatre de l’Université Brown Mary Carskadon, avait d’ailleurs recommandé que les écoles secondaires s’adaptent en reculant le commencement des classes.
« Lorsqu’ils dorment, les adolescents le font bien. Pourtant, comme ils sont capables de tolérer un manque de sommeil à répétition, ils sont très nombreux à le maltraiter et alors, à avoir du mal à se réveiller et à ne pas somnoler en classe ». Ainsi, les adolescents fragilisent leur bien-être et également leur santé mentale.
Retarder le petit joint
Le cannabis demeure la drogue la plus courante chez les jeunes, avec une prévalence de 22% chez les 15-19 ans, selon Santé Canada. Plus récemment, note Statistique Canada, 13,7% des moins de 18 ans annonçaient avoir fumé au moins une fois dans les trois derniers mois — un pourcentage en hausse qui inquiète la psychiatre du Centre universitaire de santé McGill, Gabriella Gobbi.
À cet âge, le cerveau humain est encore en développement. « Chez les mineurs, cela devrait être 0 % car la loi leur en interdit la vente. C’est préoccupant, car en plus du risque de développement des psychoses, un impact documenté, nous connaissons encore mal les conséquences de cette consommation sur la santé mentale des jeunes », soulève la chercheuse.
La Dre Gobbi s’est intéressée à la consommation du cannabis chez les ados et les risques de dépression, d’anxiété et d’idées suicidaires chez les jeunes adultes. Dans sa récente méta-analyse de 11 études totalisant une cohorte de 23 317 individus, elle note une augmentation de 37% des risques de dépression chez les jeunes consommateurs et une hausse de 50% des idées suicidaires. « Pour le risque de tentatives suicidaires, les données sont moins homogènes mais la hausse s’annonce très forte ».
Bien qu’ils soient curieux de découvrir les effets relaxants ou d’euphorie de cette drogue, les ados devraient retarder ce premier joint. Une meilleure prévention auprès d’eux et de leurs parents s’avèrerait nécessaire, pense la Dre Gobbi.
https://www.pieuvre.ca/2019/05/02/societe-sante-13-reasons-why-suicide/
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