Elles sont quatre. Quatre femmes qui ont fracassé le plafond de verre, côtoyé les plus grands, mais surtout repensé la façon d’aménager les villes et de construire la métropole de demain. Après une projection dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), voilà que Rêveuses de villes réapparaît sur les écrans au Festival international du film sur l’art (FIFA).
Quatre femmes, donc, là où il y en avait peu, voire carrément pas: au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, on veut plus que jamais rebâtir, imaginer la ville de demain, mais c’est encore un métier d’hommes.
Voilà donc que débarquent les Phyllis Lambert, Blanche Lemco van Ginkel, Cornelia Hahn Oberlander et Denise Scott Brown, toutes architectes, et toutes toujours aussi rêveuses d’une ville à échelle humaine, une ville qui respire, où l’on peut jouer, découvrir, prendre le temps d’exister. Elles ont eu leurs combats, dont la préservation de South Street, à Philadelphie, ou encore le mouvement qui a fait capoter le projet de carrément raser le Vieux-Montréal pour y faire passer une autoroute sur De la Commune. Au-delà de cela, surtout, elles ont fait leur place et continuent de marquer les esprits avec leurs rêves et leurs projets, même si le corps a bien souvent déjà montré des signes de fatigue.
Le documentaire, signé Joseph Hillel, emboîte le pas de ses quatre personnages principaux et fait en quelque sorte l’éloge de la lenteur. Car une ville n’est pas seulement un condominium en carton acheté à vil prix non loin d’une autoroute, où l’on s’entasse avec ses possessions pour espérer ensuite le revendre, en passant sa vie dans son auto, sans doute inévitablement dans les embouteillages. La ville, c’est parfois être confiné dans un logement de taille réduite, soit, mais avec un parc à proximité, avec des commerces à quelques pas, avec des arbres qui permettent de lutter contre les îlots de chaleur, avec du transport collectif accessible et des voisins accueillants.
Au-delà de la vision d’une ville idéale, on voit toutefois pointer quelques touches de gris. À Philadelphie, la South Street a été préservée du pic des démolisseurs, mais le cachet des vieux immeubles décrépits laisse parfois place à des tours modernes. À Montréal, le Centre canadien de l’architecture entre autres conçu par Phyllis Lambert est situé à proximité d’une autoroute. À Vancouver, la place publique conçue par l’une des protagonistes tombe peu à peu dans l’oubli, sale et mal entretenue.
Oui, il y a de l’espoir: les gouvernements sont de plus en plus nombreux à comprendre l’utilité de préserver le patrimoine bâti, gardant ainsi en vie un pan de l’histoire des cités. Le chemin sera long, mais Rêveuses de villes indique hors de tout doute que la relève est là, la tête emplie de grands projets audacieux qui sauront, on l’espère, faire la part belle à l’architecture, la vraie, et non pas simplement aux tours de béton construites à la hâte pour faciliter le métro-boulot-condo. Un film essentiel pour toute personne qui se prend à rêver à des cités d’avenir.
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