Dave, Patrick, Michelle, Carole, Michel et Rachel, tous autour de la cinquantaine, sont des amis de très longue date, qui se fréquentent et se connaissent bien. Du moins, le croient-ils. Car la mort soudaine de Dave, dans des circonstances plutôt embarrassantes, met à jour les personnalités, les goûts sexuels, les manières de penser et les petits et grands travers inavouables de chacun, les uns vis-à-vis des autres.
Comment distinguer le bien du mal? La question est vieille comme le monde. Et ce qui est présenté dans la pièce Mauvais goût comme des déviations très contemporaines ne l’est peut-être pas tant que ça. Sans doute certains des personnages, tout en tentant de sauver les apparences, s’adonnent à des bizarreries sexuelles plus ou moins choquantes, au moins parce que certaines sont mortelles.
Mais le texte écrit par Stéphane Crête semble sous-entendre que c’est l’époque qui encourage ces pratiques en ayant fait perdre, à ses protagonistes, leurs repères moraux (de leurs parents, j’imagine) et en particulier religieux. Du coup, entre beaucoup d’autres choses, les amis ressentent le besoin d’un rituel autour de la mort de Dave mais sans savoir comment s’y prendre, quoi faire et quoi dire pour honorer son souvenir.
Cet aspect m’a semblé le plus intéressant, et j’aurais aimé qu’il soit développé davantage. C’est, après tout, l’apanage des religions que d’organiser les mots et les gestes à faire pour « honorer les morts ». Honorer les morts, c’est ce que ces rituels prétendent faire, mais ils servent plutôt à permettre à ceux qui restent de continuer à vivre. Or, ce rituel manque cruellement aux personnages de la pièce dont certains, accablés par la culpabilité, se sentent hantés par le souvenir d’un Dave dansant qui traverse la scène.
Si l’histoire de Mauvais goût est bien construite (avec un certain humour « trash », de mauvais goût en somme), la mise en scène de Didier Lucien est intéressante de par la superposition, à certains moments, de deux scènes simultanées (j’ai moins aimé les sortes de capsules didactiques sur des concepts comme la perversion), les acteurs sont tous excellents, j’ai regretté que le propos de la pièce ratisse aussi large et que tant de sujets – pas forcément en relation les uns avec les autres – soient abordés.
Ainsi, Mauvais goût semble mettre dans un même sac ce que l’on nommait autrefois « perversions sexuelles » au sens très large du terme, le politiquement correct, la perte de repères religieux, l’hyper narcissisme, le mensonge, le secret, l’hypocrisie, la honte, voire le commerce de stupéfiants et j’en passe. Un peu trop de sujets pour bien y réfléchir et embarquer dans la thèse qui voudrait que l’époque soit la cause de tout ces maux ou du moins les favorise.
Du coup, on sort de la salle avec un réel mauvais goût (je dois reconnaître que le titre est bien choisi pour d’autres raisons que le spectateur découvrira), mais pas beaucoup de raisons d’y réfléchir, si l’on se souvient entre autres choses des textes du marquis de Sade ou du fait que le secret et la dissimulation ne datent sûrement pas d’hier.
Mauvais goût, du 8 au 26 janvier 2019 à l’Espace Libre
Texte Stéphane Crête; mise en scène Didier Lucien. Avec Guillaume Chouinard, Stéphane Crête, Lévi Doré, Camille Léonard, Didier Lucien, Sylvie Moreau, Évelyne Rompré, Gabriel Sabourin et Marie-Hélène Thibault.