Les milléniaux sont ciblés par les entreprises, les politiciens s’adressent aux familles nucléaires de la classe moyenne, mais l’Occident connaît un vieillissement de la population. Le documentaire L’amour à la plage (2018) de Judith Plamondon et Lessandro Sócrates ouvre une fenêtre sur le phénomène de ces jeunes vieux dans le panorama de la Floride.
Est-il tabou de reconnaître que certaines personnes âgées préfèrent retomber en amour plutôt que d’honorer leur mariage judéo-chrétien dans la solitude jusqu’à la fin de leur vie? Que l’on soit prêt ou non à ce que notre parent, grand-parent, nous annonce que quelqu’un partage sa vie n’empêche pas une foule de têtes grisonnantes de s’envoler pour la Floride afin d’échapper à l’hiver et de retrouver leur jeunesse.
À l’aide d’une direction de la photographie impeccable que ce soit au bord de la mer, de la piscine bleue du motel jaune typique ou sur un terrain gazonné de golf, les documentaristes nous présentent quatre personnages en fragments de longues entrevues intimistes. Sur fond rose, un animateur de soirée qui chante du Pier Béland et conte des blagues à la Gilles Latulippe nous raconte sa relation peu commune avec une Californienne qui a des problèmes de santé.
Après avoir confié qu’elle a décoré son logement pour tromper son isolement lorsqu’elle est arrivée au pays des oranges, les documentaristes prennent soin de filmer cette dame retraitée dans son élément: fauteuil aux motifs de zigzag, rideaux transparents avec cercles et lampe sphérique qui change de couleur. Sur fond jaune, sa robe bleu cyan, son rouge à lèvres fluorescent et ses paupières argentées pétillent autant que la passion pour son amant.
Sur fond bleu, c’est un couple qui se dévoile. On le suit dans leur maison, lors de soirées et à la plage. À la différence de l’animateur qui craint de perdre sa liberté et de cette dame amoureuse qui doit apprivoiser son désir, le couple entreprend leur bout de chemin ensemble espérant que leur santé ne leur fasse pas défaut. Tous veulent profiter du moment présent sous le soleil, mais le temps est omniprésent dans leurs conversations.
Si une dame pointe le ciel afin de désigner la date qui l’attend en haut, le jour de sa mort, celle qui lui fait sa teinture se réjouit des 27 jours, sur 47, qu’elle a passés auprès de son amant. Ainsi, la rhétorique en suspens dans cette colonie de snowbird renvoie à la théorie de la relativité, ayant probablement marqué cette génération. La dimension du temps est palpable, il s’agit des effets du vieillissement qui se mettent en travers de cet idéal de jouvence.
Cet idéal apparaît à l’écran avec autant de force que la mise en valeur exagérée des personnes dans le film Les amours imaginaires (2010) de Xavier Dolan. Sacré prodige par une élite française qui s’est enfargée sur sa plus grande œuvre, avec ce film, le jeune cinéaste ouvre une fenêtre sur l’amour vécu par sa génération avec un clin d’œil au Bauhaus, à James Dean et autres référents qui le précèdent.
Il n’y a pas que du soleil en Floride, des nuages d’angoisse flottent à l’occasion.
Superbe!
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