Dans le Songe d’une nuit d’été joué à Denise-Pelletier, les Dieux sont des idoles hollywoodiennes, le genre et l’orientation des créatures magique se fait plus fluide et les cœurs adolescents s’amourachent avec toute la passion de cet âge. On sent le commentaire des deux créateurs sur le propos de l’œuvre shakespearienne de par les libertés prises.
Mise en avant de l’adolescence avec quatre amoureux typés, risibles et attachants. L’histoire nous donne le droit de douter de leur bonheur émotif à venir, tant l’immaturité affective de ces personnages est flagrante. Le défi des acteurs incarnant les quatre jeunes devient alors de conserver de la subtilité à travers une direction qui les pousse parfois à la démonstration. Leur jeu est généralement bien soutenu. Par exemple, Karine Gonthier-Hyndman, que vous aurez adoré dans la série à sketch Like moi, offre ici un personnage éclatant d’Helena, intense, effrontée, physiquement engagée.
Très juste choix du côté de l’incarnation des Dieux sous les allures de stars du cinéma. Étienne Pilon et Maude Guérin ont du métier et leurs moments sont des plus mémorables dans cette version de la pièce. Le choix de la transposition est une idée intéressante. Notre rapport à l’amour, surtout à l’adolescence, est biaisé par l’image hollywoodienne qu’on nous en vend. Aussi, faut-il connaitre l’idée pour en parler, puisque ni le texte ni la mise en scène n’appuie celle-ci avec profondeur. Les écrans où sont projetés les extraits en noir et blanc, les moments musicaux, scénographie et éclairage: tout en surface veut bien nous y faire croire! Mais l’idée, si elle est habilement exécutée, n’ajoute que peu d’intérêt à ce que dit déjà le texte.
Traduire c’est trahir! Aussi, vaut-il mieux se réapproprier une œuvre pour en ressortir l’essence, pour en extraire une parole plus signifiante que ce qu’aurait pu permettre la seule traduction. Les choix de Steve Gagnon sont efficaces. On passe du langage cru et direct aux rebondissements tout en fioritures qu’on connait de l’œuvre originale. Le plaisir de la répartie, la flexibilité de la pensée et la grande poésie sont conservés et ajustés. De la confession tendre à la menace explicite, les niveaux de langages varient selon les personnages qui prennent la parole. On se sent portés par une envolée, par quelques vers qui décantent lentement… Puis, retour à une langue quotidienne avec un « ta gueule » bien placé.
Se réapproprier l’auteur britannique parait engageant. On ne s’y frotte pas avec trop de légèreté, sans doute! La réflexion est partout, du texte à la scénographie, alors on sent la force de cette voix contemporaine qui s’empare de la parole de Shakespeare, avec Le songe d’une nuit d’été. Beaucoup de rire, tout du long de la représentation. Toutefois, certains effets sont joués avec emphase dans une mise en scène qui redit ce que le texte, déjà élagué, voulait nous faire comprendre. Par moment, le grotesque nous frôle, mais l’investissement des acteurs est tel qu’on l’accepte sans amertume.
Performance notable de Dany Boudreault qui nous livre un Puck plus cruel que coquin, plus gai qu’heureux, presque désabusé, vicieux. Son commentaire brise le quatrième mur et l’acteur passe du public (et des fées qui sont nos complices) aux personnages immenses qu’il sert, pour le plaisir de notre intelligence. Les fées sont représentées comme étant les placeurs du théâtre qui devront jouer tous les petits rôles. La décision est agréable et les moments du trio nous font rire de bon cœur. Les autres acteurs ne quittent jamais leur fiction. C’est Dany, c’est Puck, c’est lui qui nous révèle la magie du Songe en passant d’un groupe à l’autre, en rectifiant auprès du public la magie de la scène que les placeurs/fées brisent à répétition, avec beaucoup d’humour.
Si on ne sait toujours pas réellement ce qui crée dans l’esprit les aléas du rêve, on sait seulement reconnaître le pont que cela crée entre un monde conscient et inconscient en nous. L’art a la même fonction. On chevauche deux mondes et on traverse ce pont, lorsque Dany quitte son personnage en nous promettant mieux « demain », nous laissant sur son éternelle sentence: « Ou mon nom n’est pas Puck! »
Est-ce qu’il ne l’est-il pas?
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