Disney Marvel veut les droits de Spider-Man depuis tellement longtemps déjà que maintenant qu’ils se sont enfin approprié le butin des mains de Sony, ils ont couru plus vite que leur ombre pour livrer un film qui anticipe le plaisir avant même d’avoir laissé le temps au spectateur de le ressentir. Après tout, quand ton film de superhéros débute avec la genèse de ton vilain de service, disons que cela en dit long sur là où résident les forces de ton entreprise.
Bien ancré dans sa Phase 3, le MCU de Disney est dans une quête désespérée de renouveau histoire d’éviter la fatigue des films de superhéros qui sévit depuis au moins une décennie déjà. Ce, même si les chiffres au box-office n’en décrivent pas la même situation. C’est ainsi, un peu avant de redonner des airs de Guardians of the Galaxy avec Thor, quelques mois après le vol.2 des mêmes gardiens et moins d’un an après le déroutant Doctor Strange, qu’ils décident de titiller la jeunesse pour la première fois en faisant suite à la nouvelle mouture de Spider-Man qu’ils ont plus ou moins judicieusement introduite dans Captain America: Civil War.
Ce retour sur la terre ferme après plusieurs épisodes à s’amuser dans les confins de la galaxie et des univers parallèles n’est pourtant pas dénué d’intérêt ne serait-ce que pour son rythme assuré, le charisme de sa distribution et son désir plus grand que le monde d’essayer d’être différent tout comme de faire une différence (distinction que le film, autant que son protagoniste, aura bien de la misère à opérer tout du long).
À cela, on remercie l’intelligence des concepteurs qui suivent la temporalité des épisodes précédents et qui nous amènent là où l’on a vu Spider-Man pour la dernière fois, déterminant que ses origines, après plus de deux différentes versions, on les connaît déjà. Cette décision singulière permet alors de nous plonger dans l’action! Alors qu’ironiquement, le film se concentre surtout sur le manque d’action qui ennuie notre protagoniste qui aimerait bien devenir un Avengers (et vous verrez comment ils s’amuseront avec ce moment pourtant attendu).
C’est ainsi, en essayant de se montrer plus brillant que notre propre nombril, que le film s’amusera à multiplier les références à la bande dessinée (on ramène Shocker, quand même!), mais aussi aux films antérieurs (sans le succès de The LEGO Batman Movie toutefois, ce même si on en a volé les scénaristes), tout comme à jouer et déjouer nos attentes envers le film, au grand bonheur de ceux qui n’en demandent pas trop. Après tout, comment peut-on encore se surprendre de revirements aussi évidents, surtout en considérant que le point majeur de tout Spider-Man est cette variante sur la figure paternelle?
Et donc, à force d’offrir les commandes de leurs mégaproductions à de jeunes pions émergents qu’ils peuvent manipuler à leurs guises, Disney s’empêche également d’élever la vision de son univers si bien contrôlé et contenu dans son moule. Tout y est si beau, si parfait, si calculé. Où sont les grands dilemmes et les scènes de combats où le héros est carrément ravagé et démuni? Comme quoi, en économisant sur les « chefs d’orchestre » (on n’a plus revu de Kenneth Branagh aux commandes, n’est-ce pas?), ils peuvent ainsi tout miser sur les vedettes et les effets spéciaux (les véritables stars qui l’emportent toujours sur le scénario).
Les surprises sont alors bien peu nombreuses et n’en déplaise à tout ce qu’on a pu dire sur les films précédents, ce Homecoming de la part de Jon Watts semble revenir aux sources, mais l’homme n’a ni le talent de Sam Raimi, ni les ambitions démesurées et limites visionnaires de Marc Webb. Il va sans dire qu’on y trouve aussi les pires scènes d’action depuis longtemps, mal filmées, mal éclairées, mal montées, alors qu’on y voit que bien peu de choses. De plus, mis à part le thème musical du superhéros en version orchestrale, même le brillant Michael Giacchino semble être sur un certain pilote automatique.
Il aura suffi d’une intrigante prémisse pour attirer notre attention. Avec plus de succès que Batman V Superman: Dawn of Justice, le film nous situe dans les ruines qui découlent de la grande attaque de New York pour démontrer comment un homme issu de rien en est venu à tout perdre et construire peu à peu un certain plan de pouvoir et de vengeance. C’est étrange, inattendu et en plus, cela permet de mettre subtilement en scène le retour de Michael Keaton dans un film de superhéros, incarnant un véritable « birdman » depuis le film du même nom.
Malheureusement par la suite, outre sa performance qui donne droit à plusieurs des moments les plus intéressants du volet, sauf peut-être les trop rares apparitions de Robert Downey Jr, le film navigue à gauche et à droite à la recherche d’une identité.
C’est que le fait de rajeunir autant le superhéros aurait dû donner droit à la plus singulière métaphore de l’adolescence et de la découverte de la sexualité. Sam Raimi l’avait compris et, après tout, Spider-Man avec son costume moulant et ses relations amoureuses conflictuelles, est probablement le superhéros le plus « sexuel » existant et la meilleure manière d’aborder la puberté et la montée en croissance des hormones (pensez-y deux secondes, tout y est). Sauf qu’on ne tire profit d’aucune des opportunités offertes et les trop nombreux duos de scénaristes (talentueux lorsque laissés à eux-mêmes, mais totalement chaotiques et incongrus lorsque jumelés et entassés les uns sur les autres), ont envie de plaire à tout le monde sans rien oser. Certes, on s’amuse à faire des comparaisons simplistes avec les films d’adolescence à la John Hugues, mais un peu comme le plus récent Power Rangers, on y fait référence sans vraiment en comprendre l’essence. Après tout, il y a cette scène de fête qui a davantage des airs de À vos marques… party! qu’autre chose, ce qui n’est jamais bon signe.
De plus, n’en déplaise à son immense charisme tantôt agaçant tantôt touchant, Tom Holland est difficilement crédible dans le rôle d’un jeune nerd ignoré tellement ses allures sveltes en font tout sauf une cible de choix. Il y a également lieu de s’interroger s’il ne s’agit pas d’une régression – « diversité » ou non – de redonner les rôles de services (secondaires, weirdos, méchants, etc.) à des acteurs typecastés, comme Toni Revolori, en chute libre après avoir été dévoilé dans le brillant The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, Zendaya, Donald Glover ou l’insupportable Jacob Batalon dans le rôle du meilleur ami que personne n’a demandé. On ne renie pas par contre les présences amusantes de l’indispensable Hannibal Buress, Martin Starr et même Jennifer Connelly pour ceux qui pourront la trouver. À l’inverse, à l’image de Jon Favreau, mais de façon involontaire, Marisa Tomei se demande encore ce qu’elle fait dans tout ça.
Au final, ce Spider-Man: Homecoming a des airs de rendez-vous manqué (thématique qui sera d’ailleurs reprise à plusieurs moments). Il n’est jamais véritablement mauvais, mais il est rarement bon ou même palpitant, tellement il laissera des événements sans intérêt se succéder à la vitesse de l’éclair. De quoi ne rien comprendre à tous ceux qui crient au génie, sauf peut-être l’éventuelle possibilité qu’ils eussent tellement envie que ce soit bon que la facilité l’ait emporté, leur donnant l’occasion de jouir avant même d’avoir eu ne serait-ce qu’un peu de véritable plaisir. Comme le potentiel ne manque pourtant pas, on se contentera, nous les patients, de suivre les conseils de la scène post-générique, et de pratiquer adroitement notre patience pour maximiser notre plaisir, si celui-ci peut bien finir par être atteint.
5/10
Spider-Man: Homecoming prend l’affiche en salles ce vendredi 7 juillet.
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