En sciences sociales, faut-il toujours demander la permission avant de faire une recherche? Certains chercheurs croient que non, et voudraient renverser une tradition vieille de plusieurs décennies. Aux États-Unis, une petite réforme est discrètement entrée en vigueur au début de l’année.
C’est qu’en théorie, surtout s’ils travaillent dans une université, économistes et sociologues sont soumis aux mêmes règles d’éthique que les chercheurs en médecine: le « cobaye » doit être au courant qu’il est l’objet d’une expérience et si celle-ci risque d’avoir un impact sur lui — jouer avec ses émotions, par exemple — il faut le prévenir et faire approuver le tout par un comité. En pratique toutefois, le ministère américain de la Santé accorde depuis janvier une exemption pour les études qui impliquent des « interventions comportementales bénignes ». Or, dans un texte publié en mars dans Chronicle of Higher Education, deux professeurs de psychologie ont écrit que cette clause leur donnait le droit d’effectuer des recherches sans passer par un comité de révision, ce qui a entraîné un débat: le texte est devenu viral, chacun y allant d’interprétations contradictoires de la clause en question.
C’est que l’idée de protéger les participants à une étude part de loin. Études sur l’effet des radiations ou sur la syphilis (« l’expérience de Tuskegee »), l’histoire de la médecine au 20e siècle contient quelques dérapages qui ont amené les autorités à serrer la vis. Le problème, soulève-t-on aujourd’hui, est que toutes les études n’ont pas le même niveau de difficulté et que tous les problèmes éthiques ne sont pas égaux. Reste toutefois à savoir qui aurait le droit de décider de ce qu’est une « intervention comportementale bénigne »…