Les dernières semaines ont été particulièrement occupées dans les bureaux du studio de jeux vidéo Borealys, installés dans un ancien bâtiment industriel du Plateau Mont-Royal. Le soleil d’un été qui tarde à arriver a beau inonder le grand espace à aire ouverte, la vingtaine d’employés n’a que bien peu de temps pour le farniente.
La raison de toute cette activité, c’est la sortie, il y a maintenant près de trois semaines, du jeu Mages of Mystralia. Titre mélangeant l’aventure au jeu de rôle, le jeu vidéo place le joueur dans la peau de Zia, une jeune fille qui se découvre des pouvoirs magiques. Malheureusement, la magie a justement été bannie dans le monde de Mystralia. Notre magicienne en herbe devra donc apprendre à maîtriser ses pouvoirs pour affronter les adversaires, mais aussi échapper aux autorités.
En entrevue, Patric Mondou, directeur créatif chez Borealys Games, explique que l’idée du jeu remonte à plusieurs années, alors que son collègue Louis-Félix Cauchon et lui-même, influencés par les phénomènes particulièrement populaires de l’époque qu’étaient Lord of the Rings et Harry Potter, se mettent à évoquer les principes de base qui structurent Mages of Mystralia. Il apparaît cependant rapidement que les deux comparses veulent s’éloigner du « modèle traditionnel » des pouvoirs magiques. « Dans ces oeuvres-là, il y a beaucoup de réflexion sur la façon dont les personnages comprennent la magie… il y a vraiment un système qui structure la façon dont la magie fonctionne », mentionne M. Mondou.
« Nous trouvions toutefois que les jeux vidéo ne communiquaient pas beaucoup cet aspect-là. Et donc, quand on joue un magicien, on va apprendre un sort, on va l’acquérir d’une façon qu’on ignore, et le jeu va nous imposer des barèmes d’utilisation – habituellement des limitations au nombre de fois que le sort peut être utilisé en une journée, des points de mana, etc. Rares sont les jeux qui se sont intéressés à l’idée de la conception des sorts. »
D’ailleurs, l’un de ces jeux, Magicka, a inspiré les créateurs de Mages of Mystralia. Toutefois, ce que Magicka propose, c’est un système s’appuyant sur la mémorisation. « Les combinaisons offertes aux joueurs découlaient de sorts préconçus… nous voulions pousser la réflexion plus loin: s’imaginer ce que pourrait être la vie d’un magicien pouvant concevoir sa magie en comprenant simplement les principes de l’univers… c’est comme cela que nous sommes parvenus à un système de magie procédurale. En fait, ce n’est pas compliqué: le jeu s’est bâti autour de ce système », poursuit-il.
Une fois cette idée entre leurs mains, MM. Mondou et Cauchon, tous deux déjà employés par l’industrie du jeu vidéo, ont décidé de faire le saut dans le vide et de fonder Borealys Games. Pourquoi ne pas avoir plutôt décidé d’aller vers des studios existants? « C’est entre autres ce qui est intéressant, lorsque vient le temps de se lancer en affaires: il est sûr que ce projet aurait pu se réaliser avec une plus grande équipe, un budget plus important, et il est probable que le bassin d’acheteurs potentiels aurait pu être plus vaste… mais pour avoir travaillé dans un grand studio – et en appréciant le genre de produits qu’on y développe -, je me disais bien que, de façon réaliste, notre jeu n’est pas le genre à séduire les grands studios. Pourquoi? Parce qu’il y a une prise de risque, c’est quelque chose de différent, alors que chez les grands studios, cette aversion plus prononcée au risque est étroitement liée à la stratégie de marketing. Cela passe souvent par le fait d’avoir des produits correspondant à un marché précis… cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas innover dans les grands studios, mais il aurait été difficile de vendre l’idée de Mages of Mystralia sans être déjà très connus. »
M. Mondou précise par ailleurs que l’équipe désirait avoir un côté « plus personnel » dans la réalisation de son projet; « Nous voulions que ce projet soit un miroir de nos préférences en tant que joueurs… que l’ensemble soit rafraîchissant pour le joueur. Toutes des choses qui sont habituellement plus simples quand on n’est pas attaché à une plus grosse machine. »
Profitant d’abord d’une subvention de la part de partenaires privés et du Fonds des médias du Canada, Borealys s’est finalement tourné vers la plateforme de sociofinancement Kickstarter pour non seulement sonder de façon plus importante l’intérêt de la communauté, mais aussi pour disposer des sous nécessaires pour peaufiner l’expérience et le produit final.
De toutes ces démarches découle donc Mages of Mystralia, un jeu particulièrement bien reçu par la communauté, ce qui a valu au titre la catégorisation « très positive » sur l’ultrapopulaire boutique en ligne Steam et une cote de 76% sur l’agrégateur d’évaluations OpenCritic.
Pas question, pour l’équipe, de s’asseoir sur ses lauriers après ce premier bon coup. Si une partie des employés est à l’oeuvre pour assurer une transition sans heurt du PC vers les consoles (on annonce entre autres une version sur Xbox One, sur PlayStation 4 et potentiellement sur la Switch), d’autres développeurs travaillent à la mise au point de contenus supplémentaires. Et, enfin, Patric Mondou mentionne discrètement que Borealys Games planche déjà sur un nouveau titre. Après un départ en lion, le petit studio indépendant a décidément le vent dans les voiles.