La biographie libre était probablement la meilleure façon d’aborder la vie et l’œuvre de Isabelle Fortier, mieux connue sous son nom de plume qu’est Nelly Arcan. On regrette toutefois que le résultat soit aussi peu convaincant et qui, à l’instar de tous ces fétiches qu’on veut illustrer à l’écran dans le simple but de provoquer, donne relativement l’impression de se faire pisser dessus, ce, sans même y avoir été invité.
Certes, on ne se rend pas à un film sur Nelly Arcan sans s’attendre à se faire sortir de notre quotidien. De par sa poésie unique qui n’hésitait pas à montrer les bons et les mauvais côtés de ses multiples détresses, le long-métrage a certainement envie de choquer et ce qu’il montre est foncièrement assez cru et même très réaliste. Néanmoins, en abordant la nymphomanie et la prostitution pour ne nommer que ceux-là en dégageant ces thèmes forts de tout contexte (ou à peine), on donne davantage l’impression d’une condamnation simpliste. Le genre de crucifixion plutôt injuste cherchant à justifier le suicide qui en a découlé, transformant le personnage en martyr qu’on veut pardonner, un peu à la manière du surestimé Amy, horrible documentaire voyeuriste qui voulait donner un sens au côté sombre de la chanteuse prodige.
Ainsi, on virevolte à gauche et à droite et on priorise l’ellipse avec un vertige encore plus cacophonique que ce que Anne Émond utilisait dans son précédent et aussi décevant Les êtres chers, évoquant la plupart du temps, à tort, l’Endorphine de André Turpin. En continuant de ruminer la notion du fardeau de la culpabilité, en plus de tenter d’aborder la pression du succès, on y laisse se succéder une panoplie de thèmes intéressants qui ne donnent jamais place à l’approfondissement de quoi que ce soit.
Bien sûr, Mylène MacKay a envie de donner tout ce qu’elle a, mais son rôle a le même effet de prostitution alors que, sans trop de directions, elle se donne le droit de faire pas mal n’importe quoi dans le but de porter le spectateur dans le malaise, celui général ou plus particulièrement le sien, tout dépendant la position dans laquelle elle se trouve.
Se succèdent alors des vignettes, des saynètes, souvent plus près du vidéoclip de par ces nombreux choix musicaux souvent intégraux qui, bien qu’excellents, ne donnent pas nécessairement un plus grand cachet artistique à l’ensemble. Comme quoi, au risque de se répéter, n’est pas Todd Haynes qui veut.
Voilà donc un film bien vide qui a tôt de faire place au découragement plutôt qu’à l’aura de mystère qui aurait dû planer. Jamais vraiment énigmatique, beaucoup plus souvent pathétique, on veut faire de la pitié un état général et créer la stupéfaction dans ce qu’il y a de plus simple. Pourtant, rien ici ne l’est ou, du moins, ne devrait l’être. Il y avait mille et une façons de tout développer avec maîtrise et intelligence et le film veut seulement créer l’émoi en pointant la prostitution du doigt et se moquer de ceux qui l’utilisent, qu’ils soient gros, gras, vulgaires ou même violents sous leurs attraits pourtant attirants.
Nelly est une impasse parce qu’il ne passera pas les bons messages au public et c’est sûrement ce qui est vraiment dommage, soit user d’un sujet pour en faire passer un message complètement différent. Comme ce chaud liquide qui nous coule au visage avant de réaliser que c’est le genre de fétiche qu’on a accepté d’essayer malgré nous, sans en comprendre la nécessité, et qu’on semble détester avant de déterminer si ça nous plairait ou non puisque la société aura prédéterminé de ce qui était bien et mal, ce, sans prendre en compte les nuances qui en découlent.
4/10
Nelly prend l’affiche en salles ce vendredi 20 janvier.