Andrea Arnold a gagné le prix du jury à Cannes pour chacun de ses films présentés au festival, et ce n’est pas sans raison, puisque ses tranches de vie sont toujours magnifiques. Son plus récent long-métrage, la longue épopée qu’est American Honey, n’y fait pas exception.
D’une durée d’un peu moins de trois heures, la cinéaste britannique s’aventure dans les terres perdues de l’Amérique pour s’amuser avec plusieurs genres dont les Américains sont justement très friands, comme le road-movie et le coming-of-age, tout en y insufflant sa touche personnelle de cinéma social. Le tout, filmé dans un ratio 4:3 qui ne manque pas de faire crier le désir de liberté de ses personnages dans chaque scène et chaque plan.
En poussant un optimiste insistant et souvent détonnant, elle prime la légèreté dans un grand nombre de situations pourtant toutes plus dramatiques les unes des autres. Elle se permet de toucher à toutes sortes de préoccupations comme le viol, la pauvreté, la prostitution, l’intimidation, la manipulation, l’exploitation et on passe, sans jamais nécessairement aller plus loin, en préférant laisser notre bon vouloir prolonger la réflexion et en continuant sa fresque en allant constamment de l’avant. Il faut le faire quand même de montrer des jeunes aussi fringants qui s’avèrent subtilement aussi prisonniers que tous ceux dans les conventions de la société en les montrant comme étant travailleurs autonomes, mais constamment sous pression.
Puisque voilà, sous les traits de l’époustouflante Sasha Lane, la protagoniste Star décide de suivre sur un coup de tête et un coup de cœur un magnétique Shia Labeouf dans le rôle de Jake pour aller vendre des magazines dans les quatre coins du pays avec une bande de jeunes tous plus à la croisée des chemins les uns des autres. Anecdotique par moment, mais rarement anodin, avec des jeunes non-professionnels d’un naturel évidemment désarmant, on se retrouve à tomber sous le charme de ce petit microcosme. Ce miroir de tout un groupe sociétal est tout à la fois, hypnotisant au plus, pitoyable au pire.
Par moment pathétique et rempli de rage et de naïveté, Arnold trouve son film le moins provoquant et le moins bouleversant à ce jour, ce qui ne l’empêche pas de briller et de fasciner. On ne tombe pas dans les plates-bandes du grandiose Fish Tank, même si tous les thèmes s’y retrouvent, et c’est tant mieux. Certes, en mettant de l’avant une poésie par moment fleur bleue (le film a presque des allures de conte de Disney), on finit par y trouver un manque de subtilité à la fois dans les dialogues, mais aussi dans la mise en scène, alors que certains moments se montrent plus appuyés que les autres.
Sauf qu’à l’instar de Boyhood, American Honey prend le pouls avec justesse et met le doigt avec grandeur sur la quête de sens moderne et sur ces jeunes qui prônent la liberté tout en n’étant pas nécessairement encore sûrs de ce que cela signifie et implique véritablement.
Un grand film qui passe à la vitesse de l’éclair et qui continue d’hisser Andrea Arnold parmi les cinéastes les plus douées du grand écran.
8/10
American Honey est présenté en primeur ce jeudi 6 octobre à 19 h au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal. Il prendra ensuite l’affiche le 14 octobre prochain.