On ne peut certainement pas reprocher aux artisans québécois du 7e art de ne pas manquer d’idées. Dommage par contre que leur créativité ne se retrouve pas au même pied d’égalité en termes d’intérêt puisque ce rare collectif québécois ne réinventera pas la roue.
Il y a vingt ans, le collectif Cosmos enflammait le monde avec des collaborations de petits nouveaux, tels André Turpin et Denis Villeneuve. C’était osé et gratifiant. 9 le film s’empare du même procédé alors que Stéphane E. Roy adapte sa propre pièce de théâtre 9 variations sur le vide à l’aide de plusieurs des noms les plus talentueux du moment. Pas question de laisser la place à la relève, mais bien la possibilité à ces créateurs reconnus d’agrandir leurs capacités dans un format inédit. On a après tout neuf courts-métrages qui se lient maladroitement dans une même trajectoire qui mène vers un étonnant cul-de-sac. Si les styles changent, la cohérence n’a pas nécessairement toujours sa place.
On trouve alors nul autre que Luc Picard, Jean-Philippe Duval, Ricardo Trogi, Érik Canuel, Micheline Lanctot et même Marc Labrèche (à l’essai à la réalisation après Les Bobos), notamment, s’amuser avec les contraintes de la durée, mais aussi du matériel en retravaillant la source à leur guise.
Sous le thème de la « communic-action », le sujet principal c’est l’écoute ou plutôt, la non-écoute, s’emparant du mal-être et du bien-être qui se peut s’échapper autant dans les dialogues que les non-dits, donnant lieu à plusieurs confrontations et de nombreuses joutes oratoires, à l’exception peut-être du détonant « Halte routière » d’Érik Canuel ou un dégourdi Maxime Gaudette joue le jeu de l’imprévisible avec Nicolas Canuel. En gestes et en regard face à des comédies foutrement bien dirigés (y a le frère de l’autre après tout), la chanson No Heaven de DJ Champion n’aura jamais semblé aussi jouissive.
Pour le reste, le talent est vraiment partout et la volonté est aussi présente que les nombreuses ambitions, mais ça demeure foncièrement inégal, et pour ce qu’on appelle une satire, disons qu’on soupire plus qu’on grince des dents ou qu’on rit volontairement.
Comme quoi le rire sincère ne fera son apparition qu’avec Marc Labrèche et son inimitable sens du tact. Bien sûr y a des duos des plus prometteurs, que ce soit Anne-Marie Cadieux et un toujours aussi détestable et fendant Christian Bégin, ou encore Pierre-François Legendre et Hélène Bourgeois-Leclerc, tout comme des nuances de gris et de couleurs avec François Papineau et Bénédicte Décary. Pourtant, la présence flamboyante de Anne-Élisabeth Bossé, Magalie Lépine Blondeau, Sophie Cadieux, Alexis Martin et autres Diane Lavallée ne suffiront pas à faire lever davantage la petite décevante des scénarios qui ne vont jamais vraiment au-delà de leurs prémisses.
On sauvera donc de tout cela, n’en déplaise à quelques effets de style plutôt amateur et un brin douteux, le segment Le lecteur ou un brillant Marc Fournier se livrera à un combat verbal déroutant avec un Marc Labrèche plus brillant que jamais. Une ode au non-sens et à l’ordinaire, où la culture narcissique tente d’éduquer l’ennui. Rires garantis.
Pour le reste, on applaudira l’audace de toute l’équipe et surtout la force rassembleuse de Stéphane E. Roy qui sera parvenu à assembler des noms assez impressionnants. Espérons maintenant que la prochaine fois, ce sera pour quelque chose d’un brin plus mémorable.
5/10
9 le film prend l’affiche en salles ce vendredi le 9 du 9 (c’est dans le concept, comme qu’ils disent).