Whit Stillman est de retour! Et alors qu’il délaisse ses contemporains et son habitude de refléter l’époque dans laquelle il vit, il se permet également de ne pas nous faire attendre plus d’une décennie avant sa nouvelle offrande, retrouvant son rythme d’antan. Une bonne chose? Certainement, puisque visiblement, il semble inconcevable qu’on lui dise non!
Voilà un cinéaste qui a un genre qu’on ne peut lui retirer. Intellectuel fier qui manie les mots comme personne, Love & Friendship est indéniablement délectable, en plus d’offrir à Kate Beckinsale, peut-être le rôle le plus rayonnant de toute sa carrière. Puisque voilà, ce film d’époque qui s’avère également être contre toutes attentes une adaptation surprenante de Jane Austen (celle-là même dont il s’est moqué à plusieurs reprises dans ses œuvres antérieures), permet également aux deux interprètes principales du brillant The Last Days of Disco, qui incluait aussi Chloë Sevigny, de se retrouver.
Loin des boîtes de nuit, le duo prend cette fois forme à une époque victorienne qui se nourrit de rumeurs dans les couloirs des beaux palais. Alliances, fuites, familles, mariages et divorces, tout y passe et l’honneur en prend souvent pour son rhume pendant que se chuchote déjà la prochaine indiscrétion. Rien ici qu’on n’ait pas déjà vu chez Stillman, même si cela prend peut-être un plus long moment avant d’en retrouver l’essence.
Certes, il faut se familiariser avec l’époque, les (très) nombreux personnages (tous présentés avec retrait) et le ton qui semble plus au ralenti que la moyenne, mais sans trop de craintes, puisque les moments hilarants ne manqueront pas de se multiplier, et ce, pas seulement en présence du délicieusement absurde et cabotin Tom Bennett dans le rôle de Sir James Martin. Après tout, le succès n’est pas si simple à expliquer outre peut-être que dans cette parenthèse puisque l’ensemble a certainement des airs anecdotiques, un peu comme Woody Allen aime bien le faire, le cinéaste préfère se concentrer sur ses dialogues plutôt que sur tout le reste.
Serait-ce alors la clé d’une adaptation réussie de Jane Austen? Bien sûr, l’époque est recréée avec une minutie remarquable, grandement rehaussée par les somptueux costumes de Eimer Ni Mhaoldomhnaigh, qui avait déjà touché à l’univers dans le beaucoup plus quelconque Becoming Jane de Julian Jarrold. Mais dans ce chevauchement d’intrigues et de revirements, on réalise rapidement que ce n’est pas nécessairement le plus important et que les contextes, tout comme les façons dont on en parle ou les aborde vient davantage attirer l’attention que l’histoire en tant que telle.
C’est là que le délire prend forme et que tout le monde s’amuse à embarquer dans les ragots. Et si Xavier Samuel joue bien les séducteurs niais et que Stephen Fry dans ses courtes apparitions nage comme un poisson dans l’eau alors que toute la distribution a certainement un plaisir fou à participer à l’entreprise, c’est, comme dit précédemment, la merveilleuse Kate Beckinsale qui éclipse tout sur son passage. Sa prestance s’allie de façon magnétique aux dialogues et sa personnalité d’un égocentrisme hypnotisant charme tout comme il donne envie de s’en dissocier.
Love & Friendship n’est donc peut-être pas du Whit Stillman à son plus fort, c’est après tout son premier scénario qui n’est pas entièrement original, mais il s’agit certainement d’une œuvre constamment divertissante et hilarante à souhait qui fait un bien fou. Une comédie de qualité, soignée et qui met en vedette des artistes talentueux qui ont autant d’attraits que de plaisir à exhiber. Un petit bonheur qui saura ravir ceux qui se sentiront interpellés.
7/10
Love & Friendship prend l’affiche ce vendredi 3 juin.