Plongée créative dans l’originalité, Le cœur de madame Sabali permet d’insuffler un vent singulier au cinéma québécois dans un registre semblable au cinéma de Stéphane Lafleur, lui volant d’ailleurs Francis La Haye au passage. C’est également l’occasion de voir de nouveau briller la grande Marie Brassard, une collaboration souhaitée par le cinéaste qui est un peu à l’origine du projet tel que Ryan McKenna nous l’a raconté lorsque nous l’avons rencontré.
Manitobain d’origine qui vit à Montréal depuis 2008, disciple de l’indomptable Guy Maddin, il livre ici un film en langue française, choix qui s’est imposé pour lui permettre de travailler avec Marie Brassard dont il avait adoré le travail dans plusieurs pièces de théâtre. C’était aussi l’occasion d’incorporer la culture malienne à l’ensemble, découlant de son amour pour le groupe Amadou & Mariam qui a d’ailleurs accepté de participer au film, mais aussi de ses nombreuses recherches sur le sujet. Ensuite, le défi était d’ajouter le tout à son univers singulier, provenant de ses quelques courts, moyens et longs métrages majoritairement en langue anglaise.
Ce style, il dit l’emprunter au vieux burlesque, à Tati et Buster Keaton notamment, affectionnant la mobilité et l’humour pince-sans-rire. Une façon singulière de faire un « drame humain aux vraies émotions » qui s’incorpore néanmoins « dans un univers ridicule et bizarre ». Après tout, on parle de deuil, d’adoption, de séparation et même d’inceste parmi tant d’autres sujets. Une tendance assez sombre qui ne laisse pas présager une comédie aussi loufoque, ce que le film est malgré tout.
À cela, il faut sûrement saluer le sens du détail du cinéaste. Après tout, en plus de ses démarches avec la communauté malienne montréalaise, il a aussi fait des recherches sur les croyances derrière les transplantations d’organes. Par exemple, ces nombreuses histoires de patients qui sont devenus autres suite à l’opération, comme une femme qui a soudainement pu parler espagnol compte tenu de l’origine de son organe ou encore une végétarienne qui a mangé de la viande par la suite!
Même musicalement McKenna a soigné son style, allant même jusqu’à emprunter le synthétiseur d’une valeur de 15 000$ que Owen Pallett avait acheté pour la trame sonore de Her de Spike Jonze!
Enthousiasmé par la richesse du volet cinématographique qu’a le Québec en comparaison avec le reste du Canada, il affectionne notre créativité dont il fait désormais partie. Il s’est d’ailleurs vu récompensé pour Le cœur de madame Sabali justement lors du plus récent Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, récoltant le Grand Prix Focus, habituellement réservé à des œuvres dramatiques. Des membres du jury lui ont d’ailleurs précisé qu’il a réussi à leur faire aimer une comédie et à leur faire découvrir autrement un genre a priori aussi bien ancré.
S’il est présentement en écriture d’un nouveau long-métrage, Ryan McKenna préfère néanmoins garder dans le secret ce qu’il trame pour l’avenir. Nous reste alors la possibilité de découvrir les singulières folies qu’il nous a ici pondues.
Le cœur de madame Sabali prend l’affiche en salles ce vendredi 4 décembre.