Peut-on voir au-delà des innovations techniques d’un film lorsque celui-ci n’a rien d’autre de plus à présenter? Oui et malheureusement, ce qu’on y retrouve est tristement vide, comme le démontre l’ambitieux Victoria qui finit par tomber à plat et, par le fait même, sur les nerfs, puisque l’exploit dure tristement 148 minutes…
Le plan-séquence est l’une des supercheries les plus exigeantes du septième art, théâtre ultime des illusions. Puisqu’il implique de prolonger ad nauseam la fausse réalité présentée à l’écran. Bien sûr, beaucoup s’y sont essayés selon différents niveaux d’ambition. Que ce soit de durée plus courte ou plus longue, dans des repères plus inusités ou restreints, alors qu’on l’a vu autant à la télévision (ah, True Detective!) qu’au cinéma, et même dans des formes trichées comme dans le récent Birdman.
La différence toutefois, c’est que Victoria, au-delà de ce tour de force technique, n’a tout simplement rien à dire. On opte pour un réalisme sensible et on raconte le périple d’une étrangère à Berlin le temps d’une nuit qui se retrouve investie dans les déboires d’un séducteur et sa bande d’amis. Quel dommage toutefois qu’aucun de ces personnages ne s’avère attachant, que chacune de leurs décisions fait grincer des dents et que leur stupidité exaspère chaque fois qu’ils ouvrent la bouche.
Le réalisme, oui. La naïveté, d’accord. Mais la sensibilité d’écriture a pris des vacances. Disons qu’on est loin de la trilogie des Before de Richard Linklater. Et ce, même si on essaie piètrement d’illustrer la fragilité des amours naissants. Que neni!
Et comme le réalisateur Sebastian Schipper a travaillé sur le merveilleux Lola rennt de Tom Tykwer, il est facile d’y faire des parallèles avec ce dernier, à la différence que le récit n’y dégage pas la même passion et le même constat face à l’amour et la dévotion lors d’une situation sans possibilités. Il faut aussi admettre que Laia Costa n’est pas Franka Potente et est incapable de véritablement cliquer avec le plus talentueux Frederick Lau qui fait néanmoins un bon Moritz Bleibtreu du 21e siècle.
Bien sûr, quand on y repense, le parcours du film est foudroyant et il est pratiquement inconcevable de comprendre comment ils s’y sont pris (à trois reprises en plus!), à déambuler dans la ville avec une aussi grande aisance. Mais disons que sur le coup, lorsqu’on subit le tout avec cette caméra à la proximité aussi gonflante que cette mobilité qui donne des maux de tête, on oublie pratiquement la seule raison et motivation pour vivre ce film qu’on vend comme une expérience, plutôt qu’un véritable produit.
Alors que notre Podz national s’apprête à présenter dans les prochains mois son King Dave qui sera habité du même exploit, on regrette que Victoria s’avère au final une expérience aussi désagréable. Alors qu’on aurait aimé l’ensemble pour plus que sa technique, on est tout simplement incapable d’y dénoter une véritable poésie ou un effort louable au niveau de l’écriture. Pour esprits avertis.
5/10
Victoria prend l’affiche en salles ce vendredi 30 octobre