Une nouvelle étude évoque le « défi gigantesque » consistant à atteindre les objectifs de l’accord de Paris sans gestes audacieux, en plus de détailler les températures extrêmes qui affecteront certaines parties de notre planète si les pays échouent à réduire leurs émissions polluantes.
En décembre 2015, la planète est parvenue à un accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement global moyen à 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux pré-industriels. Idéalement, l’objectif est en fait de 1,5 degrés Celsius. En août 2018, les États-Unis ont fait savoir aux Nations unies qu’ils envisageaient de se retirer de l’accord, devenant, avec la Syrie, les deux seuls pays au monde à ne pas en être signataires.
Deux nouvelles études publiées dans les magazines spécialisés Geophysical Research Letters et Earth’s Future démontrent désormais que certains des objectifs inscrits dans l’accord pourraient être difficilement atteignables, à moins de consentir à d’importants sacrifices.
Ces travaux indiquent également que les futures conditions climatiques extrêmes dépendent des décisions politiques prises par les grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES), et que même si ces émetteurs raffermissaient leurs engagements à réduire leurs émissions, le reste de la planète devrait lui aussi s’engager à immédiatement diminuer ses émissions de GES pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris.
« Tout simplement, ces études soulignent le gigantesque défi représenté par l’accord de Paris de 2015 », indique Daithi Stone, un climatologue du National Institute of Water and Atmospheric Research, en Nouvelle-Zélande, qui n’a pas participé aux travaux.
L’importance des grands émetteurs
La première étude a révélé qu’aucun des grands pollueurs, que ce soit la Chine, les États-Unis ou l’Union européenne, n’avait pris d’engagements conçus pour limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius.
Si ces pollueurs n’adoptent pas de politiques plus strictes pour réduire plus fortement leurs émissions, des régions de la planète, telles l’est de l’Amérique du Nord et l’Europe Centrale, traverseront des périodes de températures extrêmes, selon la nouvelle étude.
« Ce qui se passe en ce moment est important, et c’est important à l’échelle des grands émetteurs », soutient Sophie Lewis, de l’Université de New South Wales et la principale auteure de la nouvelle étude.
Mme Lewis et ses coauteurs ont utilisé des modèles pour prédire les futures tendances climatiques dans certaines régions du monde, afin de démontrer de quelle façon l’échecs des grands pollueurs provoqueraient directement des problèmes à ces endroits.
Dans plusieurs régions du monde, les futurs événements liés à des températures extrêmes dépendent des futures réductions des émissions de GES de la part des grands pollueurs, selon la nouvelle étude. Par exemple, si les États-Unis échouent à limiter leurs émissions, cela entraînera directement une multiplication des cas de températures extrêmes en Europe Centrale et dans l’est de l’Amérique du Nord, par exemple.
Selon Mme Lewis, impossible de connaître tous les impacts à venir, mais les données sont suffisamment claires pour affirmer que ces régions seront effectivement affectées.
Le difficile avenir des pays en développement
Dans la deuxième étude, les chercheurs ont constaté que l’approche globale de l’accord de Paris pour combattre les changements climatiques dissimule un très important défi que les pays en développement devront surmonter.
Même si la Chine, l’UE et l’Inde en font davantage pour limiter les émissions polluantes, le reste de la planète devra virtuellement cesser d’émettre des GES d’ici 2030 pour que la planète limite le réchauffement à 1,5 degré, affirme-t-on.
Au dire des auteurs, cela sera techniquement, politiquement ou socialement impossible à faire pour la plupart des pays de la planète.
Pour Glen Peters, directeur de la recherche pour le Center for International Climate Research, en Norvège, les grands pollueurs ont déjà provoqué la majeure partie des dégâts liés aux émissions, alors que le reste de la planète a « l’obligation » de limiter leur croissance industrielle et leur développement pour respecter les objectifs climatiques.
« La marge de manoeuvre est si limitée que vous allez, en gros, étouffer les pays en développement, à moins que les grands pollueurs n’en fassent beaucoup plus », dit-il.
Il existerait ainsi une forte inégalité entre les pays développés et en développement, affirme le chercheur.
Selon M. Peters, toutefois, si les conclusions des études sont peu encourageantes, il ne faut surtout pas se décourager lorsqu’il est question de réduction des émissions polluantes. Il encourage ainsi les grands pollueurs à en faire davantage pour réduire leur production de GES. Il faut également que ces pays développés mettent au point des technologies éventuellement carboneutres ou carbonégatives, technologies qui pourraient ensuite être déployées dans les pays en développement, poursuivent les scientifiques.