Plus important que jamais, ce portrait sert tout autant de regard intimiste sur une réalité trop souvent ignorée que comme point de référence pour tous ceux et celles cherchant à se retrouver à l’écran. Avec des images honnêtes, lumineuses et sans jugement, Larry (iel) ouvre grande la voie vers l’acceptation et la compréhension des trans, mais aussi des non binaires, avec autant de beauté que de justesse.
Un pas en avant, deux pas en arrière. Au moment où la réalité trans est de plus en plus présente dans les discours et dans le quotidien, l’avenir s’y reliant pourrait difficilement être plus hostile et incertain. Le film se terminera, après tout, en plein coeur d’un point tournant chez nos voisins du sud.
Le temps avançant plus vite que l’oeuvre; il faut dire aussi que le long-métrage prend fin avant toutes les horreurs qui se déroulent depuis au moins un an.
Si les craintes, les peurs et les angoisses seront néanmoins abordées durant le documentaire, qui se contente d’observer objectivement, mais avec une bienveillance et une empathie amenée en collaboration étroite avec ses sujets, ce n’est certainement pas l’approche que recherchait la documentariste Catherine Legault, à l’image des oeuvres colorées et lumineuses de la photographe Laurence Philomène.
Iel le déclare après tout clairement: lorsqu’on parle ou aborde la transformation d’une personne trans, on se concentre presque toujours sur les problèmes, les embûches, etc.
Ce qui l’intéressait, au contraire, c’était d’aller y trouver une certaine banalité, d’y illustrer un quotidien auquel tous peuvent arriver à s’y reconnaître. Et si on parlera certainement de plusieurs de ses créations antérieures, qui ont été remarquées à travers le monde, la majeure partie du film se concentrera sur son projet Puberty, duquel sera tiré un livre, mais aussi une exposition à New York, notamment.
Avec 103 minutes au compteur, il faut admettre qu’on a, par moments, un peu l’impression qu’on étire un peu la sauce. Sauf que de reprocher au film de se pencher sur des éléments moins intéressants reviendrait à invisibiliser son sujet, alors que le documentaire parvient ainsi à permettre à cesdits éléments de vivre librement sur écran, ce qui n’arrive que trop peu souvent.
Ainsi, ce deuxième documentaire de Legault après Soeurs: rêve et variations installe lentement, mais sûrement, cette proximité et le fait intelligemment, avec douceur et délicatesse. C’est cette même approche pleine de justesse qui est utilisée pour les autres intervenants, comme les proches de Larry ou, ultimement, ses parents.
Bien que plus évasifs – on comprend que de creuser davantage aurait pu tomber dans un voyeurisme inconfortable –, il n’en demeure pas moins que les passages mettant en vedette sa mère et son père, qu’on esquisse discrètement eux aussi comme des artistes, font partie des segments les plus émotionnels du portrait.
La mince frontière entre la compréhension et l’incompréhension, entre des parents et leurs enfants, étant après tout quelque chose d’assez universel, que cela implique une transformation de genre ou non.
Au reste, l’intimité jamais pudique est tellement naturelle que le spectateur trouve rapidement un confort à observer et à entendre les gestes et les réflexions quotidiennes des sujets. Mieux encore, on met d’ailleurs en perspective cette mise à nue qui devient finalement une décision plus grande que soi, comme d’un présent pour tous les autres. Difficile d’en être autrement quand sa simple existence devient presque automatiquement un geste politique, qu’on le veuille ou non.
Certes, le sujet étant aussi vaste et trop méconnu, on essaie peut-être, par moments, de ratisser un peu trop large laissant plusieurs éléments clés n’être que brièvement mentionnés (poussant le spectateur à approfondir lui-même ses recherches). Ces blocs n’ont pas toujours la même fluidité que le reste et s’approchent davantage du reportage, bien que le tout soit toujours judicieusement bien appuyé en sources et en archives.
D’essayer d’inclure le sujet dans sa communauté était une idée intéressante, mais le tout est trop souvent esquissé pour avoir un véritable impact parmi d’autres moments plus puissants et qu’on s’est permis de mieux développer.
On aurait aussi aimé que l’oeuvre soit un brin plus artistique et moins anonyme dans sa forme. Plusieurs images et cadrages sont banals et ne parviennent pas à conserver notre intérêt (à l’inverse de chaque photo de Laurence), alors que la musique originale sonne quelque peu générique. Le style de Larry étant tellement singulier, cela demeure un peu bizarre de se retrouver avec un portrait qui ne prend pas autant de risques.
De fait, les quelques animations qu’on utilise ici et là sont éphémères et constituent trop souvent de jolies idées pourtant vite abandonnées. De donner subtilement vie aux portraits de l’artiste apporte certainement quelque chose de très intéressant à l’ensemble.
Enfin, Larry (iel) nous séduit au détour, puisqu’à l’image de son sujet et de ses propres créations, le film s’avère à la fois authentique et unique, mais également plus grand que lui-même. En faisant oeuvre utile, le documentaire valide une réalité et éduque sans faire la leçon. Il ouvre les yeux et montre tous les possibles d’un monde libre, ouvert et dénué de jugement. Une utopie essentielle et pourtant plausible si tout le monde y mettait du sien, à laquelle il fait toujours du bien de croire.
7/10
Larry (iel) prend l’affiche en salle le vendredi 4 avril.