Miss Sloane a tous les espoirs pour les grands honneurs, mais malgré toute la dévotion de Jessica Chastain, à qui l’ont doit potentiellement tout le film d’ailleurs, rien n’y fait et on oublie aussi rapidement cette joute conventionnelle que le temps que cela nous aura pris pour l’endurer.
Qu’on le veuille ou non, John Madden aura marqué l’histoire en étant à la barre du controversé et beaucoup trop mal aimé Shakespeare in Love qui s’est valu de beaux prix aux Oscars, dont meilleur film. Une fantaisie romantique brillante mariant Shakespeare à des délires d’une admirable maîtrise. Depuis, le cinéaste divague à droite et à gauche, multiplie les genres et ne parvient que très peu à retrouver ne serait-ce le succès critique ou même public de ses meilleures années, n’en déplaise à The Best Marigold Hotel qui s’est vite fait secondé par un piètre second chapitre.
Ici, Miss Sloane est le fruit d’un seul homme, Jonathan Perera, scénariste débutant et unique à la barre d’un scénario tantôt confus, tantôt surexpliqué et pompeux, qui malgré une excellente distribution, ne parvient pas à éviter ses écarts ridicules. Ce, même malgré toute la dévotion de la merveilleuse Jessica Chastain, qui renoue avec le cinéaste après une collaboration déjà oubliée dans le remake passable qu’était The Debt. Celle-ci visiblement prête à tout pour récupérer l’oscar de la meilleure actrice autrefois perdu pour sa performance magistrale dans Zero Dark Thirty. D’une certaine manière, l’entêtement et la force de caractère de son nouveau personnage, tout comme de son avancement coûte que coûte vers cette quête unique, rappelle, en moins mémorable, son interprétation précédente, un certain soupçon de prétentieux en plus.
C’est que cette lobbyiste rusée, mais au bord du gouffre, mésadaptée socialement et jamais à court de mots ou de tours dans son sac, est sans pitié et aussi divertissante que terrifiante. Sans vergogne, elle ne fait qu’une bouchée des étoiles qui tournoient autour d’elle, de Alison Pill à Michael Stuhlbarg, en passant par Sam Waterston, Mark Strong, Gugu Mbatha-Raw, Jake Lacy (qu’on aura subtilement tenté de nous passer comme un personnage de petite importance) allant même jusqu’à John Lithgow. Et fort heureusement puisque malgré son sens de la répartie et la dynamique des dialogues qui rappelle, au tout début, du mauvais Aaron Sorkin avant de déraper, le long-métrage souffre cruellement d’intérêt et, étrangement, de rythme.
Dans ce combat pour ne pas dire débat sur les armes, on se fait balancer à droite et à gauche et on réalise rapidement que le spectateur n’est pas vraiment une priorité dans ce film alors qu’on tire de façon grossière les ficelles pour une finale marquée avec des traits si gros et sans aucune subtilité qu’on aura entièrement devinée assez rapidement. C’est dommage, puisque le potentiel est partout et un sujet et des thématiques aussi actuelles auraient mérité un traitement beaucoup plus soigné, attentionné et dévoué.
Bien sûr, il y a une certaine élégance, notamment grâce aux compositions accessoires de Max Richter, mais la politique américaine tout comme l’univers de la justice aura eu droit, autant au petit qu’au grand écran, à des propositions davantage plus ambitieuses, audacieuse ou même captivantes dans les derrières années. On verra alors Miss Sloane comme un autre tremplin pour d’excellents comédiens qu’on aura tôt fait d’espérer revoir dans des productions d’un meilleur calibre.
5/10
Miss Sloane prenait l’affiche en salles vendredi le 9 décembre.