En Australie, une étude a révélé une situation pour le moins paradoxale: les cyclistes qui portent davantage d’équipement de sécurité et de protection, comme des vestes ou des casques, ont l’air « moins humains », comparativement à ceux qui n’en portent pas.
Le principal auteur de l’étude, le Dr Mark Limb, en compagnie de sa collègue, la Dre Sarah Collyer, ont examiné un sondage effectué auprès de 560 personnes, en Australie, dans le cadre de démarches visant à encourager le cyclisme dans les villes de ce pays, y compris en mettant au jour des obstacles potentiels au fait d’enfourcher un vélo.
Les résultats sont publiés dans Transportation Research Part F: Traffic Psychology and Behaviour.
Les deux chercheurs avançaient l’hypothèse selon laquelle les cyclistes portant de l’équipement de protection seraient perçus comme étant moins humains en raison du fait que l’on voyait moins leurs yeux et leurs cheveux.
Mais leur sondage a révélé que les vêtements à haute visibilité – ces vestes jaunes ou orange avec des bandes réfléchissantes – sont les équipements jugés comme étant les moins humains, suivis par les casques.
« Nous avons aussi demandé aux gens quelle était leur opinion générale des cyclistes, et 30 % des répondants ont indiqué considérer ceux-ci comme n’étant pas entièrement humains », mentionne le Dr Limb.
Certains participants au sondage, qui sont eux-mêmes des cyclistes, ont aussi profité du coup de sonde pour partager certaines de leurs propres expériences en matière de sécurité et d’apparence.
« Certains d’entre eux ont dit avoir l’impression d’être traités différemment en fonction de ce qu’il portait, alors qu’un ensemble de vélo complet en lycra leur valait davantage d’abus et d’insultes que des vêtements de tous les jours », a encore indiqué le Dr Limb.
« Une participante a aussi dit qu’elle laissait intentionnellement ses longs cheveux à l’extérieur de son casque lorsqu’elle circule en vélo, puisqu’elle pensait que cela l’aidait à éviter une partie des insultes reçues par les hommes. »
Déshumaniser… puis agresser?
La nouvelle étude s’inspire d’autres travaux, réalisés en 2019, qui avaient indiqué que plus de la moitié des conducteurs automobiles jugeaient que les cyclistes n’étaient pas entièrement humains, et laissait entendre que cette déshumanisation pourrait être l’un des facteurs expliquant les actes d’agression délibérés envers les cyclistes sur la route.
Dans le cadre des plus récentes démarches, les chercheurs ont constaté que les cyclistes portant un casque étaient 2,5 fois plus à risque d’être jugés comme étant « moins humains » que ceux qui n’en portaient pas, alors que les cyclistes portant une veste réfléchissante étaient 3,7 fois plus à risque de subir le même sort.
« Davantage de travaux sont nécessaires dans ce domaine, puisque les résultats soulèvent d’autres questions. Par exemple, est-ce que l’équipement sécuritaire très apparent, comme les vestes et le lycra, sont vus comme étant particulièrement déshumanisant parce que certaines personnes associent le tout aux cyclistes qui circulent en groupe – et que ces formations sont parfois impopulaires auprès des autres usagers de la route? », s’interroge le Dr Limb.
« Par ailleurs, plusieurs études sur la prise de risque ont révélé que les hommes tendent à prendre davantage de risques que les femmes, et sont plus nombreux à rejeter les stratégies de réduction des dangers. Nous avons découvert que les hommes étaient davantage portés que les femmes à penser que de l’équipement de protection faisait en sorte que les cyclistes semblaient moins humains… Alors, est-ce que tout cela s’explique parce que les hommes sont, en général, moins portés à éviter les risques? »
De son côté, la Dre Collyer souligne que les conclusions soulèvent aussi des questions à propos de la façon dont nous voyons les autres membres de la société qui portent des vêtements réfléchissants.
« Les hommes et les femmes qui portaient ce genre de vêtements étaient constamment jugés comme étant « moins humains ». Est-ce que cela veut dire que les travailleurs des chantiers routiers, par exemple, sont eux aussi considérés comme « moins humains », et qu’est-ce que cela signifie pour leur sécurité? »