Le métier d’enseignant est déjà aux prises avec une pénurie de personnel et des problèmes de recrutement, que ce soit en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde. Une nouvelle étude menée en Océanie révèle que dans cette région du monde, les membres du corps professoral sont peu à peu chassés des environs de leur école, plusieurs de ces quartiers étant devenus trop dispendieux, même pour des enseignants qui ont atteint le sommet de l’échelle salariale.
Ces travaux de recherche, publiés récemment dans The Australian Educational Researcher, ont ainsi analysé les ventes immobilières et les rapports trimestriels sur les locations de logement dans la Nouvelle-Galles du Sud, et ont permis de découvrir que plus de 90 % des enseignants de cette région, soit environ 50 000 employés à temps plein, travaillent dans des quartiers où il est impossible de se loger avec leur salaire.
La situation est particulièrement difficile pour les nouveaux enseignants. On compte ainsi 675 écoles, soit près de 23 000 postes d’enseignant à temps plein – autour desquelles le loyer médian pour un logement d’une chambre est inabordable avec un salaire d’enseignant.
Un logement est considéré comme étant inabordable si une personne doit consacrer plus de 30 % de son revenu pour payer son loyer ou son hypothèque – une situation aussi décrite comme étant le fait de se trouver en situation de stress lié au logement. Les gens qui se retrouvent dans ce contexte pourraient ne pas disposer de suffisamment d’argent pour payer la nourriture, les vêtements et d’autres achats essentiels.
Mais cette question d’abordabilité n’est pas seulement un enjeu pour les jeunes enseignants. Même pour ceux et celles qui ont atteint le sommet de l’échelle salariale, dans les environ de 70 écoles évaluées, soit l’équivalent de 2000 postes à temps plein, il est là aussi impossible de se payer un logement à une chambre.
« L’étude démontre que la dernière année où un enseignant venant d’arriver dans le métier pouvait se payer confortablement un logement d’une chambre remonte à environ une décennie », indique le professeur Scott Eacott, l’auteur de l’étude, qui est rattaché à l’Université de la Nouvelle-Galles du Sud.
« De façon fondamentale, on constate un fossé croissant entre le salaire et les coûts du logement que les hausses de salaire normales ne permettent pas de combler, et cela repousse les enseignant de plus en plus loin de leur lieu de travail, ou carrément à l’extérieur de leur profession. »
« Ce problème n’est pas limité aux enseignants, mais s’étend à tous les travailleurs essentiels qui constatent, de plus en plus, qu’il est difficile de trouver des logements abordables à une distance raisonnable de leur lieu de travail », a-t-il ajouté.
Et acheter une maison est, là aussi, de moins en moins à la portée des enseignants n’ayant qu’un seul revenu, alors que les prix médians, dans certaines zones de cette région australienne, représentent plus de 10 fois le salaire annuel moyen. Sydney est particulièrement chère, indique l’étude.
Une profession en crise
Toujours au dire du Pr Eacott, cette question de l’abordabilité du logement a été en partie ignorée dans le contexte de la pénurie d’enseignants, en raison d’autres enjeux importants, comme l’augmentation de la charge de travail, les mauvaises conditions d’emploi et un salaire qui fait du surplace.
« La pénurie d’enseignants est complexe, et plusieurs facteurs expliquent pourquoi nous perdons des membres de la profession, principalement au cours des cinq premières années », a indiqué le professeur. « Mais l’abordabilité du logement est l’une de ces raisons, et le problème n’ira qu’en s’amplifiant si nous ne faisons rien. »
Au dire du Pr Eacott, le prix extraordinairement élevé du logement signifie que les enseignants devront choisir entre le fait de consacrer une bonne part de leur salaire pour vivre raisonnablement proche de leur école, ou devoir endurer de longs trajets quotidiens.
« Il n’est pas rare d’entendre parler de déplacements de plus d’une heure, ce qui fait perdre bien du temps aux enseignants, sans mentionner les coûts cachés comme les péages et les frais de stationnement. Nous allons nous pencher davantage sur cette question lors de futurs travaux. »
Certaines projections indiquent que la Nouvelle-Galles du Sud aura besoin de 13 000 enseignants supplémentaires, au cours de la prochaine décennie, pour répondre à la demande. Si la majeure partie de la croissance prévue doit survenir dans des zones où l’on ne considère pas qu’il est difficile de trouver de la main-d’oeuvre, le Pr Eacott juge que cette situation devrait changer si les enseignants ne peuvent pas vivre relativement près de leur école.
« Le système scolaire a déjà assez de difficulté à trouver suffisamment d’enseignants comme cela », dit le chercheur. « Si ceux-ci ne peuvent pas trouver à se loger à une distance raisonnable de leur école, nous pouvons prévoir que ces pénuries n’iront qu’en s’accroissant. »
Aider les enseignants à se loger
Toujours au dire du Pr Eacott, l’un des aspects du problème est qu’il n’existe pas de ministère, ou de section du secteur privé, qui est ultimement responsable de loger les travailleurs essentiels.
« La réponse simple est qu’il faut mieux payer les enseignants. Mais cela pourrait ne pas être suffisant pour régler le problème de l’offre. Car l’une des difficultés rencontrées par les enseignants, pour se loger, est aussi le fait que le nombre de logements libres est très limité. »
« Il est aussi important de ne pas confiner les enseignants à des appartements conçus pour eux, mais de créer une voie pour leur permettre d’accéder à la propriété », a-t-il ajouté.
Comme solution temporaire, le chercheur propose une allocation qui serait d’abord versée aux enseignants qui travaillent dans les régions les plus chères. Mais à long terme, il évoque plutôt de tenir compte des besoins de ces travailleurs essentiels – de tous les travailleurs essentiels – lorsque vient le temps de développer les infrastructures des futures villes.