Dans un bureau ressemblant à peu près à tous les autres bureaux, le travail a un peu des allures de fin du monde douce-amère. Et puisque Glengarry Glen Ross, une fable des années 1980 sur le capitalisme sauvage est toujours d’actualité, voilà que Brigitte Poupart monte la pièce sur les planches de l’Usine C. Pour notre plus grand plaisir… et un peu pour nous mettre mal à l’aise.
Dans la pièce écrite par David Mamet, il y a une trentaine d’années, un groupe de vendeurs sont montés les uns contre les autres; après tout, qui n’aurait pas l’esprit compétitif, alors que l’entreprise promet une voiture de luxe au meilleur vendeur, et la mise à pied aux deux derniers participants à cette course? Pas étonnant, ensuite, que certains de ces employés s’unissent pour planter un poignard dans le dos des patrons et en profiter pour s’en mettre plein les poches.
Trois décennies après la première, la situation est toujours la même: les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent, et bien des gens sont prêts à faire des pieds et des mains – et cela comprend le fait de mentir, voire de magouiller ouvertement – pour s’assurer une place au sommet, avec les puissants. Oh, certaines choses ont certainement changé, mais à l’exception des téléphones intelligents qui font parfois irruption entre les mains de nos protagonistes, on se croirait de retour dans les années 1980, murs désespérément gris en prime.
Changement notoire, toutefois, que ce celui de la distribution. Brigitte Poupart a effectivement décidé de remplacer tous les personnages, masculins au départ, par leur équivalent féminin. Ce faisant, elle a offert le rôle central de Shelley Levene à nulle autre que Micheline Lanctôt. Rôle central, en effet, puisque ce personnage représente probablement la quintessence du problème fondamental au coeur de la pièce: une vendeuse plus âgée tentant d’effectuer un retour, et qui tombe des nues lorsque la nouvelle chef de bureau, jeune et ambitieuse, lui fait barrage pour tenter de l’évincer. Aux abois, Levene oscillera entre l’acceptation de cette nouvelle hiérarchie sociale et la révolte pure et dure.
Glengarry Glen Ross, c’est un peu Office Space qui rencontre American Psycho. L’aspect abrutissant et terrifiant du travail dans une grande entreprise, combiné à une mentalité d’affrontement permanent qui devient lentement obsédante, faisant peu à peu glisser l’esprit des personnages vers la folie.
Un seul petit problème – un beau problème, peut-être – se dresse toutefois sur notre route; Micheline Lanctôt, avec toute l’expérience, le registre théâtral et le talent qu’on lui connaît, éclipse ses partenaires de jeu sur scène. À ses côtés, les autres comédiennes sont pâles, sans relief, unidimensionnelles. Peut-être un reflet du texte, mais on a souvent l’impression que les échanges avec Mme Lanctôt sont à sens unique, que personne ne peut vraiment lui donner la réplique.
Comme nous le disions plus tôt, un beau problème…
Glengarry Glen Ross est présentée jusqu’au 13 mai à l’Usine C.