Avec Foundation, et encore plus avec la troisième saison de cette adaptation télévisuelle de l’oeuvre monumentale d’Isaac Asimov, se pose l’éternelle question de l’ampleur des transformations, des événements et des grands courants à représenter au petit écran. Et au moment où cette troisième saison prend fin, donc, après la mise en ligne du 10e et plus récent épisode sur Apple TV+, on peut se dire que si l’ambition est bien présente, l’ampleur des moyens, elle, varie grandement.
Alors que la Fondation et l’Empire se regardent en chiens de faïence depuis belle lurette, la première grignotant peu à peu des planètes au second, voilà que débarque finalement le Mulet, cet être télépathe aussi puissant que dangereux dont l’arrivée est évoquée depuis au moins la deuxième saison.
Et ce Mulet, capable de se faire obéir au doigt et à l’oeil en un instant, s’empare peu à peu de différentes planètes de la galaxie. Pendant ce temps, sur Trantor, les trois empereurs, mis au fait que selon la psychohistoire d’Hari Seldon, leur empire n’en a plus que pour quelques mois, multiplient les déclarations et les gestes incendiaires.
À quoi bon résister, après tout, si l’inévitable semble à nos portes?
Entre conquête galactique, nouvelle ouverture de la Voûte d’Hari Seldon et effondrement du pouvoir impérial, en parallèle d’un nouveau cycle de « naissance » et de « mort » des empereurs, tout se conjugue pour créer une situation plus qu’explosive.
Et les scénaristes, forcés de combiner tout cela en moins de 10 heures de télé, s’en tirent relativement bien… sauf quand les choses dérapent. Car les choses vont effectivement déraper, et cela n’est pas nécessairement la faute des créateurs de la télésérie.
Après tout, en littérature, la science-fiction, tout comme le fantastique, sont deux univers où il est possible d’imaginer des choses dantesques, impossibles, incroyables… Vous voulez des milliards de milliards d’habitants? Les voici. Des milliers de vaisseaux en plein combat démentiel? Des dragons survolant un champ de bataille? Il est tout à fait possible de décrire le tout avec des mots.
Lorsque vient le temps de respecter un budget et une durée d’épisode, cependant, c’est là qu’il est nécessaire de couper. Et dans cette troisième saison de Foundation, on coupe parfois beaucoup. Par exemple, durant l’arc narratif de l’un des empereurs, un procès par une technoreligion aurait pu (ou dû) s’étirer sur plusieurs épisodes, voire une saison complète; la chose est plutôt conclue en 15 minutes.
Ne parlons pas, non plus, du personnage du Mulet, décrit comme un être effacé et discret dans les livres d’Asimov, mais joué ici par Pilou Asbaek, qui reprend la même interprétation déjantée et excessive que pour son Euron Greyjoy, dans Game of Thrones. Rien qui ne nous permette de vraiment passer un moment agréable.
Ajoutez à cela la litanie habituelle de décisions étranges et n’ayant pas beaucoup de sens, et vous obtenez une saison qui est parfois géniale, parfois correcte, et parfois complètement absurde.
Est-ce parce que la commande est trop importante? Est-ce parce que les producteurs sont sous pression par Apple pour condenser des événements d’ampleur galactique en 10 épisodes de moins d’une heure chacun? Est-ce parce que l’on veut rendre une épopée gigantesque plus « humaine », et donc se concentrer sur des personnages, plutôt que sur des événements marquants? Impossible de le savoir. Mais le résultat est si inégal qu’on se demande bien comment l’équipe va réussir à atteindre son objectif pour la suite des choses.
Car suite des choses il y aura, oui, une quatrième saison ayant été commandée. Nous verrons bien si la qualité du scénario ira en s’améliorant. À défaut d’avoir accès à la psychohistoire, il ne reste qu’à croiser les doigts.