Même sans rien savoir de l’oeuvre, la seule évocation du titre Hiroshima mon amour suscite généralement de bien étrange sentiments, à commencer par une étrange fascination pour ce titre mêlant deux aspects de la vie en apparence diamétralement opposés. Et c’est entre autres sur cette dualité aussi paradoxale que logique, en un sens, que la compositrice Rosa Lind et le metteur en scène Christian Lapointe reprennent cette oeuvre culte, dans le cadre du Festival TransAmériques.
À partir de ce film de 1959, donc, dont on projettera d’ailleurs des extraits sur diverses grandes toiles tendues en travers de la scène de l’Usine C, voilà que l’on nous offre une version chantée de ce drame s’articulant autour de cette femme qui, énamourée d’un Allemand pendant l’occupation, en France, se rend à Hiroshima, au Japon, et y fréquentera un Japonais, dans une sorte d’expiation étrange de ses péchés.
Dans cette salle, donc, nous semblons évoluer entre un passé qui nous apparaît franchement lointain, celui de l’après-guerre, de la reconstruction, mais aussi celui du choc traumatique suivant l’emploi de l’arme ultime, et cette possibilité toujours présente, ce risque que quelqu’un, quelque part, appuie sur le bouton rouge. Et avec les tensions ravivées entre l’Inde et le Pakistan, avec Vladimir Poutine, avec Donald Trump, avec Benyamin Nétanyahou, aura-t-on droit à Kiev mon amour, ou Gaza mon amour, ou encore Pékin mon amour?
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que transformer un texte particulièrement contemplatif en un opéra donne des résultats… particuliers. On comprendra aisément l’objectif de la chose, y compris le côté lancinant de la proposition, comme si l’on souhaitait éviter que les spectateurs ne soient trop à l’aise devant ce récit évoquant les horreurs absolues de la Deuxième Guerre mondiale.
Mais cette approche, avec un accompagnement orchestral déstabilisant, réussit peut-être trop bien. Après une heure de violons bien souvent discordants et de chants racontant l’horreur et la quête de sens dans un monde nucléaire, ce journaliste commençait à trouver le temps long. Surtout que le spectacle jouit d’une amplification sonore qui n’a pas vraiment lieu d’être. Après tout, si l’on peut nous proposer du théâtre sans système de son, pourquoi faudrait-il que l’on nous fasse entendre du chant encore plus fort?
Est-ce que cette adaptation théâtrale et musicale d’Hiroshima mon amour est un « appel brûlant à la paix », tel qu’indiqué dans la description de l’oeuvre, sur le site du festival? On l’ignore. Ce que l’on peut dire, cependant, c’est que si l’on cherchait à déranger, à déstabiliser, et à faire réfléchir sur l’horreur de la guerre atomique, alors l’objectif est largement atteint.