Marcelle Dubois part la tête haute, le coeur rempli d’émotions. La directrice et cofondatrice du Jamais lu, ce festival de découverte de nouvelles oeuvres théâtrales, participe présentement à sa 24e et dernière édition de cet événement. L’occasion de faire le point sur un rendez-vous dont la réputation n’est plus à faire.
« C’est certain que c’est émouvant », confie d’emblée Mme Dubois, lors d’une entrevue téléphonique accordée à Pieuvre, plus tôt cette semaine.
« Je me sens plutôt joyeuse, plutôt heureuse, même si je suis émue de faire les choses pour la dernière fois, quand ça fait 24 ans qu’on les fait. Mais j’ai extrêmement confiance en la nouvelle direction artistique, qui prendra le relais pour la suite. Cela me permet de vraiment être dans le plaisir du moment présent, et de réaliser qu’au fil du temps, nous avons bâti une belle communauté. »
De fait, poursuit Mme Dubois, « le festival va bien, les salles sont pleines, les textes sont bons… l’esprit du Jamais lu, qui est un esprit très convivial, très festif, est encore intact, et je dirais que cette année, particulièrement, on sent que c’est très agréable pour tout le monde ».
Et pendant 24 ans, ce festival, qui permet au public d’assister à des lectures de textes théâtraux inédits – d’où son nom, bien entendu –, a vécu plusieurs transformations. « Ce qui a le plus changé, je vous dirais, c’est l’envergure de l’organisation », confirme Mme Dubois.
« Au début, nous étions très artisanaux, mais l’objectif est demeuré le même, c’est-à-dire faire entendre les nouveaux textes qui s’écrivent au temps présent, des textes ancrés dans une certaine urgence de dire ce que l’on doit dire. Mais nous le faisions de façon très spontanée. D’abord dans une petite salle de 40 places, puis dans une salle de cabaret d’une soixantaine de places, avant d’atterrir ici, au Théâtre aux Écuries, il y a presque 15 ans », a-t-elle ajouté.
Ce déménagement a concordé avec une « certaine stabilité », a encore indiqué la directrice générale, y compris « un peu plus de financement ».
Mme Dubois explique par ailleurs que l’expansion de l’événement dans d’autres villes, y compris à l’extérieur du Québec, « n’a jamais été dans nos intentions ». Ce sont plutôt des artistes, dit-elle, « qui avaient envie que cela ait lieu dans leur ville ».
« Très vite, nous avons trouvé des partenaires. Maintenant, nous sommes à Paris, à Québec, mais aussi dans les Caraïbes, ainsi que sous une forme appelée Jamais lu mobile, dans des régions éloignées des centres culturels, comme l’Abitibi, le Saguenay, la Gaspésie et l’Estrie. »
Un événement « facile d’accès »
On pourrait penser qu’aller écouter du théâtre, sans décors, sans scène, tiendrait du divertissement niché. Et pourtant, a fait savoir Mme Dubois, en entrevue, cette spécificité fait aussi la force du Jamais lu.
« On a découvert, en court de route, le côté très facile d’accès de ces mises en lecture; au début, je commençais aussi ma carrière de jeune autrice, à l’époque, et l’objectif [de l’événement] était seulement d’exister. Mais très rapidement, nous avons constaté qu’il y a un grand public qui vient au Jamais lu, un public qui revient d’année en année, et qui grandit. »
Qu’est-ce qui expliquerait ce succès? « Quand on découvre la mise en lecture, les comédiens ont répété une vingtaine d’heures, et on a accès à un texte livré par des comédiens au lutrin, sans décor, sans costumes. Le cerveau va se faire sa propre mise en scène; c’est comme se faire conter une bonne histoire par des comédiens professionnels », souligne Mme Dubois.
« J’ai toute une partie du public qui me dit adorer ça; et nous ne sommes pas non plus dans un événement littéraire qui serait plus cérébral. Nous restons dans les corps, dans une façon de présenter les mises en lectures de façon très incarnée. C’est finalement bien plus grand public qu’on pourrait le penser. »
Et pour la suite des choses? « C’est certain que 24 ans de Jamais lu, ça laisse des traces; déjà, je reste au sein du conseil d’administration et du comité de financement. Mon objectif, ce n’est pas de partir en courant le plus vite possible », explique Marcelle Dubois.
Cette dernière ajoute qu’elle aidera l’équipe de transition, mais « sans trop jouer à la belle-mère », lance-t-elle en riant.
Et l’emploi du temps de la directrice générale du Jamais lu devenait « très compliqué » à gérer, puisqu’elle s’occupait aussi, depuis six ans, de la direction générale et coartistique du Théâtre aux Écuries.
Mme Dubois va donc se concentrer sur l’institution théâtrale installée dans Villeray, en plus de « chercher à retrouver du temps personnel de création ».
Une autre preuve, sans doute, que la flamme artistique ne s’éteint vraiment jamais.
24e édition du Festival du Jamais lu, jusqu’au 10 mai